Les œuvres passées

Storms • Quayola

En lien avec le Festival Normandie Impressionniste, la Villa du temps retrouvé présente cette saison l’artiste Quayola, pionnier du computing art, dont l’œuvre digitale s’inscrit délibérément dans une relecture de l’impressionnisme.
Quayola (né à Rome en 1982) développe de nouvelles formes de peinture de paysage, réfléchissant à la façon dont la technologie change rapidement la manière dont nous observons et percevons le monde qui nous entoure, et finalement la réalité elle-même. Avec une intention similaire au peintre paysagiste de la fin du XIXe siècle, Quayola développe une nouvelle observation des paysages et des phénomènes naturels, grâce aux outils technologiques qu’offrent les programmes algorithmiques, augmentant ainsi ses capacités de perception.

La série "Storms" montre le comportement chaotique des vagues lors d'une tempête, qui se déforment sous les vents violents, et l'éclairage changeant. Ces simulations picturales sont générées et calibrées par un logiciel développé sur mesure par l’artiste, où les ensembles de données capturés déterminent la composition, les couleurs et les forces de ces peintures digitales. Le résultat de ces processus minutieux se matérialise sous forme de séries d'impressions numériques et d'installations vidéo.

Le travail de Quayola explore les tensions et l'équilibre entre des forces apparemment opposées, où notre monde naturel se mêle harmonieusement à de nouvelles logiques algorithmiques - réfléchissant simultanément sur les traditions picturales tout en favorisant une nouvelle esthétique, proposant ainsi de nouvelles interactions créatives possibles entre l'homme et la machine.

Vue de Rouen • Claude Monet

Monet est sans doute le peintre favori de Proust dont il ne manque aucune exposition. Il écrit en 1899 trois fragments sur le père de l’impressionnisme suite à sa visite de l’exposition « Monet, Pissarro, Renoir et Sisley » à la galerie Durand-Ruel. Il évoque les Cathédrales de Rouen (1895) dans ses essais sur John Ruskin et dans Jean Santeuil, où il loue « tout ce [que] Monet ne fait que nous répéter : “Dieu, qu’il y a du soleil aujourd’hui sur la mer, voyez comme les ombres sont noires et fraîches, voyez comme les pierres sont roses, voyez comme au loin les bateaux papillonnent dans une mer volatilisée, mais ayant aussi, le plus petit, sa petite ombre noire (F. d’Étretat). Voyez comme tout miroite, comme tout est mirage par ce dégel : vous ne savez plus si c’est de la glace ou du soleil, et tous ces morceaux de glace brisent et charrient les reflets du ciel, et les arbres sont si brillants qu’on ne sait plus si leur rousseur vient de l’automne ou de leur espèce, et on ne sait plus où l’on est, si c’est le lit d’un fleuve ou la clairière d’un bois” (chez M. Ch. Ephrussi)».
Ce que Proust admire dans le génie pionnier de Monet, dont la peinture fonctionne comme un « miroir magique », c’est la figure d’un artiste comme il les aime : inventeur d’une nouvelle façon de peindre ; créateur d’un nouveau monde.

Jeune fille lisant près d’une fenêtre • Gaston La Touche

Peintre inspiré par le réalisme, sous l’influence de peintres comme Manet ou d’auteurs comme Zola, Gaston La Touche (1854 – 1913) était de ceux dont les inspirations furent variées : vie journalière, travail des ouvriers ou religion sont représentés par ce peintre aux tonalités riches et aux couleurs variées. Mais Gaston La Touche tire aussi son inspiration de sa famille, à qui il consacre toute sa vie.
Après le décès de son fils aîné Philippe en 1900 à l’âge de six ans, Gaston La Touche se réfugie dans sa maison de campagne à Saint-Cloud et mène une vie simple et retirée auprès de son épouse Jacqueline Henriette Ernestine de Serre de Saint-Roman, de son deuxième fils Pascal et de sa fille Solange. Sa famille apparaît donc dans bon nombre de ses peintures, reflétant ainsi la simplicité de sa vie à la campagne. Sa maison deviendra le lieu de rencontre du Tout-Paris grâce à l’organisation, avec l’aide de son épouse, des « dimanches de Saint-Cloud », où une atmosphère chaleureuse règne. On dit de l’artiste qu’il « n’avait rien de ces excentricités de mise et de tenue que l’on retrouve chez tant d’artistes ». Ne ressemblant à aucun de ses contemporains, sa peinture à l’huile imitant du pastel mérite toute l’attention.

Voiliers dans le port de Deauville • Eugène Boudin

À l’aube de la Belle Époque, Eugène Boudin fait de la Normandie le lieu fondamental de ses peintures de paysages, genre autrefois mineur et qui connaît alors un renouveau et peut-être son âge d’or, tous styles confondus.
Sur les plages Boudin observe la mer toujours semblable et toujours recommencée, le spectacle du ciel dans des tableaux que Charles Baudelaire qualifie de « beautés météorologiques ». Il peint aussi les bateaux, les pêcheurs, et la bourgeoisie en fleurs qui depuis 1860 goûte aux plaisirs de la naissance du tourisme balnéaire à Deauville et à Trouville.

Ses œuvres connaissent un grand succès commercial parmi ces estivants : « On aime mes petites dames sur la plage et d’aucuns prétendent qu’il y a là un filon d’or à exploiter », se réjouit le peintre en 1863. Boudin peint aussi ces visions proustiennes de paysages où terre, air et mer semblent se confondre, « où la mer entre dans la terre, où la terre est déjà marine », comme écrit Proust. Il annonce en ce sens la figure du peintre Elstir à Balbec, dont les marines qu’admire le narrateur d’"À la recherche du temps perdu" constituent des métaphores visuelles qui transforment la mer en terre, et la terre en mer. Dans sa peinture du port de Carquethuit, Elstir n’utilise « pour la petite ville que des termes marins, et que des termes urbains pour la mer », et « habitue les yeux à ne pas reconnaître de frontière fixe, de démarcation absolue, entre la terre et l’océan ». Boudin, que Claude Monet considérait comme son maître, préfigure la révolution impressionniste.

Andre Gide et ses amis au café Maure de l’Exposition universelle de 1900 • Jacques-Émile Blanche

C’est à un diner chez une cliente « excentrique » du docteur Blanche, la princesse Ouroussof, que Jacques-Émile Blanche voit pour la première fois André́ Gide. Leurs relations, faites d’allers et retours, d’élans et de distances, la facilité de l’un provoquant la sévérité́ de l’autre, seront inscrites dans trois portraits dont le dernier, exécuté en 1912.

Dans ce tableau, le deuxième que Blanche réalise avec Gide, qui dépeint une scène lors de l’exposition universelle, l’écrivain apparaît jeune avec une allure d’esthète et un regard de séducteur. Cette fresque est une des toiles monumentales les plus importantes de Blanche, une des rares scènes avec plusieurs personnages dans un décor original.
Ce portrait de groupe, présenté à la Société nationale des Beaux-Arts de 1901 sous le titre MM. André Gide, Rouart, Chanvin, Ghéon, Athman-ben-Sala au Trocadéro (Exposition de 1900), s’apparente aux portraits hollandais de corporation du XVIIe siècle. Il évoque l’atmosphère de fête exotique de l’Exposition universelle de 1900, où un « café maure avait été installé dans un petit pavillon reproduisant exactement un kiosque de repos du palais de la Manouba, près de Tunis » se souvient Blanche dans ses mémoires La pêche aux souvenirs. Autour d’André Gide, sont rassemblés les poètes et écrivains : Eugène Rouart, à l’arrière-plan à droite ; Charles Chanvin, ami de Gide et de Charles-Louis Philippe à gauche et au premier plan à gauche Henri Ghéon. Au centre, Athman Ben Sala, que Ghéon et Gide avaient ramené de leur voyage en Algérie, voyage initiatique qui passionna Gide et eut une forte influence sur sa vie et son œuvre.

« Je n’ai rien à vous apprendre de ce méticuleux analyste et observateur de soi-même mais cette frénésie toute nouvelle, ses gestes de liberté sans remords où il s’essayait encore, il les a toujours drapés de cette vaste houppelande [...], Gide a toujours été grave et avec moi du moins d’une retenue en ces propos excluant les confidences d’un ordre qui m’eût gêné » raconte Blanche à propos de l’époque de ce portrait. Le sourire d’Henri Ghéon évoque celui d’un buveur de Frans Hals, artiste auquel Blanche avait consacré un article. Quelques années plus tard, Gide devient la figure tutélaire de la littérature et de l’édition du début du 20e siècle, patron de la Nouvelle revue française toute puissante, André Gide refuse malheureusement en 1913 le manuscrit de "Du côté de chez Swann", avant de faire signer en 1916 pour se rattraper de cette erreur historique un contrat d’exclusivité avec les éditions Gallimard à Marcel Proust.

Anna de Noailles au manchon • Otto Wegener

Amie intime de Marcel Proust, poétesse et princesse, Anna de Noailles correspond intensément avec l’écrivain à l’époque de ce portrait. « Je n’admire aucun écrivain plus qu’elle, j’ai pour elle une profonde amitié » dira d’elle Marcel Proust en 1916 dans une lettre à Emmanuel Berl.
Cette photographie prise par le maître photographe Otto Wegener a été retrouvée dans le fonds de son atelier. Ainsi habillé, Anna de Noailles semble partir en voyage.

Beuvron-en-Auge Panorama (Vue de Beuvron-en-Auge) • David Hockney

Artiste parmi les plus connus et reconnus au monde, collectionné dans tous les grands musées, David Hockney (né en 1937) s’est installé en 2019 à Beuvron en Auge, un village de 200 habitants, dans une belle bâtisse à colombages du 17e siècle, à une quinzaine de kilomètres de Cabourg.
Le peintre anglais, longtemps résident à Los Angeles, a trouvé en Normandie de nouveaux motifs qui renouvellent son travail. « les Français savent vivre, ils s’y connaissent en plaisir» explique t-il.
Il continue de développer une peinture quasi autobiographique, peignant les vues et les scènes qui l’entourent, à commencer par sa maison et cette « Grande cour », sujet d’un corpus d’œuvres qui a fait l’objet d’une exposition en soi à New York.
Depuis 2011, David Hockney expérimente également la tablette numérique comme nouveau medium de création, utilisant un logiciel de peinture développé spécialement pour lui. Il continue aussi de peindre, éditant ses œuvres sous la forme de tirages imprimés, pour répondre au formidable succès commercial que connaît son œuvre depuis une quinzaine d’années.
Le Centre Pompidou, la Tate Britain et le MET de New York ont consacré à David Hockney une grande rétrospective en 2017 pour célébrer alors les 80 ans de cet artiste qui sait demeurer jeune dans son œuvre et dans sa recherche artistique parmi les plus novatrices.
La présence de deux œuvres de Hockney dans notre accrochage témoignent de la permanence de la force d’inspiration et d’attraction du paysage normand. Grand lecteur de Proust, Hockney est aussi en Normandie à la recherche du passage du temps, peignant les différentes saisons qui se succèdent, comme il l’a fait dans le Yorkshire de son enfance dans une autre partie de son œuvre. Philosophe, il résume ainsi les leçons de son expérience immergé en pleine campagne normande : « Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer ? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie. »

Boni de Castellane déguisé en Tayllerand • Otto Wegener

Ami de Marcel Proust, Boni de Castellane est l’un des modèles du personnage de Robert de Saint-Loup dans "À la recherche du temps perdu".
Dandy féru de fêtes mondaines, il reprend ici le costume de son ancêtre pour un bal costumé, événement alors très en vogue dans le monde. Boni de Castellane fréquente aussi la côte normande. Figure de la bonne société, il fut portraituré de nombreuses fois, par peintres (dont Albert Besnard) et photographes.

Boudin travaillant à Trouville • Paul César Helleu

Eugene Boudin est le précurseur de la génération de Paul César Helleu et un maître visionnaire
pour beaucoup de peintres, qui annonce l’impressionnisme. Il est fasciné par la côte normande et sa culture maritime.

Champ de courses près de Londres • Jacques-Émile Blanche

Jacques-Émile Blanche fréquente beaucoup l’Angleterre, depuis l’âge de neuf ans, comme l’élite anglaise fréquente la France et particulièrement la Normandie, accessible par le ferry qui arrive à Dieppe (où la famille Blanche possède une maison). Jacques-Émile Blanche vit même plusieurs années à Londres, admirant la peinture anglaise, mais aussi James Tissot (1836-1902), peintre d’origine française exilé à Londres, ou James Abbott McNeill Whistler, américain vivant en Angleterre.
Les courses de chevaux constituent à la Belle Époque un événement mondain de premier plan, où se retrouve toutes les strates de la société, y compris les artistes et écrivains. Jacques-Émile Blanche a exécuté plusieurs œuvres sur ce thème. Cette course de chevaux près de Londres fait écho aux régates anglaises qu’admire aussi Jacques-Émile Blanche lors de ses séjours, spectacles socio-culturels qui allient sport et élégance.

Clair de lune, Varengeville • Jean-Francis Auburtin

« Je vous envie des clairs de lune qui opalisent le fond de la vallée à faire croire que c’est un lac.» Marcel Proust à Louis de Mornand, 1905.

Dans le jardin • Charles Angrand

Charles Théophile Angrand (1854-1926) est natif de Criquetot-sur-Ouville (Seine-Maritime), et se forme à l’école municipale de dessin de Rouen sous la direction de Gustave Morin. Il expose une première fois en 1878 au Salon des Beaux-Arts de Rouen. La métropole normande est le lieu de toute sa carrière, et c’est à Rouen qu’il s’éteint en 1926.
Il fut très influencé par Seurat jusqu’à la mort de celui-ci en 1891.
Ce tableau « Dans le jardin » témoigne de cette époque d’excellence du peintre rouennais. Angrand est sans doute le plus innovateur des amis peintres de Rouen surnommés les “mousquetaires” (avec Fréchon, Delattre, Lemaître). Outre l’esthétique impressionniste qu’il a très vite adopté, Angrand se passionne pour les théories optiques, et accompagne son ami Seurat dans ses recherches chromatiques. Ensemble ils étudient la division du ton, analysent la couleur et la lumière. Une démarche intellectuelle qui donne naissance à une nouvelle technique : plus de trait de pinceau , ni de touche irrégulière mais des pointillés de couleurs pures qui s’animent et se mélangent sous l’œil du spectateur.
Les toiles d’Angrand deviennent des mosaïques multicolores aux formes simplifiées. En 1891, à la mort de son maître Seurat, il abandonne la couleur pour se consacrer au dessin et au pastel, évoquant avec tendresse la campagne du pays de Caux, les gestes des paysans, qui demeure les grands sujets de son œuvre.

Deauville, le bassin aux yachts pavoisés • Paul César Helleu

Paul César Helleu est un des inspirateurs du personnage d’Elstir, le peintre d’"À la recherche du temps perdu".

Divertissement • Gustave de Jonghe

Peintre belge installé en France, spécialisé dans les portraits de famille, Gustave De Jonghe (1829-1893) est considéré comme le successeur direct d’Alfred Stevens. Fils d’un célèbre peintre de paysages, il apprend d’abord de son père. Il va peindre dans sa carrière de nombreux portraits de famille, toujours dans des intérieurs somptueux, comme ici ce Divertissement, qui font de sa peinture un témoignage détaillé important de la vie bourgeoise familiale à l’orée de la Belle Époque, de ses mœurs et de ses décors. De Jonghe connaît un grand succès de son vivant.

Édition originale d’À la recherche du temps perdu • Marcel Proust

Huit tomes soit treize volumes. Edition originale, dont les exemplaires sont réimposés sur Lafuma pur fil (seul grand papier), nominatifs au nom de Maurice Heine, collectionneur et bibliophile, éditeur et grand spécialiste du Marquis de Sade, portant le numéro 89 qu’il affectionnait en souvenir de la Révolution française.
Les exemplaires sont protégés par une chemise étui et un emboitage en maroquin bleu marine réalisé par Jean Bernard Alix. Édition originale, sauf pour Du côté de chez Swann, qui avait été publié par Grasset, en 1913.

Edition originale de Du côté de chez Swann, Gallimard 1917 • Marcel Proust

Gallimard a convaincu Grasset de lui céder les invendus de l’édition de 1913 et des suivantes. À la couverture originelle on substitue la célèbre couverture crème de la NRF et sur la page de titre, au-dessous de Grasset, on appose un papillon de la NRF à la date de 1917, permettant des ventes alors même que l’édition Gallimard ne sortira qu’en 1919. La rareté de cet ouvrage vient du fait qu’il est l’un des seuls de l’édition originale avec la faute à Grasset et l’achevé d’imprimer à la page 523 à avoir été ainsi « NRFisé »

Édition originale du Mystérieux correspondant et autres nouvelles inédites • Marcel Proust

Il s’agit ici de l’édition originale sur grand papier portant le n°1 de ce recueil de textes inédits du jeune Marcel Proust, édités par le professeur Luc Fraisse. Parmi les cent-quinze exemplaires du tirage de tête de l’édition originale, cent ont été tirés sur Vélin Rivoli Blanc numérotés de 1 à 100 et entièrement réservés à la Société des Hôtels Littéraires. La reliure est signée de Nobuko Kiyomiya, grande figure de la reliure contemporaine.
Voici le descriptif de ce travail artistique : “Reliure semi-souple en veau blanc, estampé, lavé, brûlé, poncé et peint en ton gris-rose.
Dos en veau noir estampé sur le même motif et brûlé.
Doublures et gardes en papier-japon marron doré.
Titre à l’oset gris-anthracite sur le premier plat.
Chemise et étui assortis.”

Élégante au chapeau • Otto Wegener

Ce tirage d’exposition, format de photographie extrêmement rare à cette époque, était destiné
à la boutique de l’atelier de Otto Wegener, pour y être exposé à titre promotionnel. Le portrait est celui d’un modèle habillé pour l’occasion en femme du monde - une fiction éminemment proustienne, car les personnages de Marcel Proust sont aussi des fictions composées à partir de souvenirs et d’impressions.

Étude de costume • René-Xavier Prinet

René-Xavier Prinet aménage un petit atelier dans sa maison sur la digue de Cabourg, le « Double-Six » (en référence au jeu de dominos très en vogue à cette époque).
II peint souvent des esquisses sur la plage, au plus près de son motif, comme jadis Eugène Boudin. Cette étude est présentée pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle

Étude pour le portrait de Bergson • Jacques-Émile Blanche

François Mauriac admirait chez son ami Jacques-Émile Blanche le talent de « créer autour de lui une atmosphère qui fut celle de son époque et que ses toiles ont fixée. […] Rien ne peut faire que nous n’ayons recours à lui qui a fixé les visages illustres ou charmants de la fin du dernier siècle et de la première moitié de celui-ci, les visages, mais aussi les paysages, les plages et les jardins normands, les maisons que la guerre a détruites. C’est un peintre qui a des souvenirs à faire revivre, une histoire à raconter ». Cette histoire, c’est celle d’un monde qui n’existe plus, un « temps perdu » qui croise celui de l’œuvre de Proust, l’accompagne, l’illustre en partie – même s’il ne l’égale pas. Proust signe en 1919 la préface de l’essai de Blanche, De David à Degas, qui est dédié « à Marcel Proust, en souvenir de l’Auteuil de son enfance et de ma jeunesse, et comme un hommage d’admiration pour l’auteur de Du côté de chez Swann ». Il défend dans ce texte l’œuvre de son ami peintre, contre l’image d’artiste mondain qui va poursuivre Blanche à travers le temps.

Proust, qui dans ses écrits de jeunesse se réclame de l’art du portrait, rappelle ainsi que les modèles peints par Blanche sont à l’époque des tableaux d’amis « dont il était presque le seul à célébrer le mérite », et va jusqu’à voir dans son camarade un artiste voyant qui « possédait en lui comme tous les hommes assurés de l’avenir, cette perspective du temps où il faut savoir se placer pour regarder les œuvres ».

La Belle Époque ne l’est pas longtemps pour les portraitistes réalistes comme Blanche. La photographie s’impose et les condamne. « Est-ce la photographie qui seule conservera le caractère et la physionomie de ces officiants de la Grande Guerre ? se demande Blanche, qui partage sa vie entre Paris et la Normandie. Il faudra un jour traiter à fond le problème de l’imitation ; l’expression de ces visages est, tout de même, le plus noble but du peintre, pourquoi les jeunes passent-ils la main au photographe ? » Et le peintre d’ajouter : « Aujourd’hui l’art commence à la “déformation”, et le peintre le confond avec l’“interprétation” qui est, en effet, l’Art même. Mais… distinguons ! » La fin de ce monde qui va s’éteindre avec la guerre est aussi la fin d’un genre artistique, celui du portrait réaliste.

Les tableaux de Blanche sont aussi les derniers feux du « portrait ressemblant », l’art des Sargent et des Whistler, des Boldini et des László. Blanche n’est pas en peinture ce que Proust est en littérature, mais son œuvre peint a souvent les traits des tableaux proustiens. Ainsi de ce portrait d’Henri Bergson. Proust explore dans la Recherche « l’édifice immense du souvenir » dont Bergson a fait l’analyse philosophique la plus poussée de son temps, avec Matière et mémoire (1896). Comme Bergson, Proust ressent que le passé ne se constituerait jamais s’il ne coexistait pas, en même temps, avec le présent dont il est le passé – une des clés pour comprendre le sens profond du chrononyme de la Belle Époque… Pour ces deux cousins (par alliance), qui n’aboutissent pas aux mêmes conclusions, il n’y a pas de perception qui ne soit liée à un souvenir.
À propos de ce portrait peint en plusieurs version d’études, Jacques-Émile Blanche raconte : « Il faut donc, de ce Bergson, avec les cinq études (y compris la tête poussée pendant les laborieuses séances de Paris), il faut donc faire une image pour ses fidèles, quelque chose qui soit ce que l’on imagine que Bergson est. Passé la matinée à incliner tout le corps, baisser la tête dans l’inclinaison du penseur (et cette rougeur, cette « congestion » du philosophe dont ce malheureux est atteint : transformer tout cela. Insister sur le vert Véronèse du fond). »

Étude pour le portrait de Bernstein • Jacques-Émile Blanche

Au début du 20e siècle, Jacques-Émile Blanche immortalise dans ses portraits les figures littéraires de son époque, avec lesquelles il entretient en général aussi des relations d’amitié.
Jacques-Émile Blanche est né riche, et n’a pas besoin de vendre sa peinture. Aussi peut-il se permettre de choisir les modèles de ses portraits. Son œuvre de portraitiste est en cela comparable à l’œuvre d’un écrivain, en ce que le peintre nous montre la société et le monde de ses désirs. Dramaturge à succès et ami de Marcel Proust, Henry Bernstein fréquente comme lui la Normandie. II est célèbre pour ses pièces de boulevard : Le Marché (1900), Le Voleur (1906).
En 1911 il est victime de la critique antisémite de l’Action française jugeant sa pièce "Après moi" comme une œuvre « juive ». Bernstein est aussi l’un des inspirateurs du personnage d’Octave, neveu des Verdurin, dans "À la recherche du temps perdu". Il dirigea à partir de 1926 le théâtre du Gymnase à Paris, avant de fuir aux États-Unis pendant la seconde guerre.

Ce portrait a la sobriété et le dynamisme des études de Jacques-Émile Blanche, moins travaillées et plus spontanées que les portraits finaux. Pour le regard contemporain, ces études sont presque plus fortes, traduisant plus directement l’esprit et l’attitude du modèle, un peu comme une photographie documentaire le ferait.

Étude pour le portrait de la Comtesse Anna de Noailles • Jacques-Émile Blanche

Née Princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, Anna de Noailles est une poétesse importante, grande amie de Marcel Proust qui correspond beaucoup avec elle à l’époque des ses séjours à Cabourg.
Fille d’un prince roumain et d’une pianiste grecque, Anna Bibesco Bassaraba de Brancovan (1876-1933) s’était mariée en 1897 avec le comte Mathieu de Noailles et devait mener avec son époux une vie sociale brillante, recevant dans son salon de l’avenue Hoche, puis de la rue Scheffer, l’élite intellectuelle, littéraire et artistique du début du siècle, dont bien des figures ont été des modèles de Blanche, comme Francis Jammes, Claudel, Colette, Gide,Valéry, Cocteau, Max Jacob ou Mauriac. Elle devait entretenir avec Barrès, rencontré chez le peintre, une relation sentimentale intense mais compliquée, qui à l’époque de ce tableau s’était achevée sur une rupture. Cette personnalité puissante à l’éloquence irrésistible a fasciné presque tous ceux qu’elle a approchés, non sans susciter parfois une pointe d’ironie, sensible par exemple dans les pages que Blanche lui consacre dans "La Pêche aux souvenirs".

Elle avait établi sa réputation de poète dès la parution du Cœur innombrable, son premier recueil, en 1901, suivi par L’Ombre des jours en 1902 et L’Éblouissement en 1907. Ses romans La Nouvelle espérance, Le Visage émerveillé et La Domination, parus entre 1903 et 1905, avaient rencontré le même succès. Le 19 mai 1909, elle assista au Châtelet avec Blanche, Cocteau et Reynaldo Hahn à la répétition générale des Danses polovtsiennes du prince Igor données par la compagnie des Ballets russes et contribua par la suite à assurer une forme de parrainage mondain aux spectacles révolutionnaires conçus par Serge Diaghilev sur les chorégraphies de Fokine. Affectée à partir de 1911 par de sérieux ennuis de santé, elle s’imposait à l’époque de ce tableau d’intermittentes périodes de réclusion pendant lesquelles elle recevait ses invités au milieu d’un désordre de fioles, de pastilles et de compte-gouttes. Blanche rapporte dans La Pêche aux souvenirs qu’il peignit les deux études du musée de Rouen au domicile de la poétesse, 13, rue Scheffer, en 1912-1913, à une époque où elle abusait un peu de l’éther.

Cette esquisse ainsi qu’une autre existante sont caractéristiques d’une méthode de Blanche dans ses études qui s’emploie à fixer la physionomie de ses modèles dans de petites toiles rapidement brossées, exécutées parfois à la suite, comme pour tenter de capter le mouvement de la personnalité, son expression.

Étude pour le portrait de la Comtesse Bavarowska • Jacques-Émile Blanche

L’œuvre de Jacques-Émile Blanche nous donne à voir les visages d’un monde qui a disparu, visages célèbres ou visages de figures du monde que la postérité a oublié. « Portraitiste je suis né : jamais un visage nouveau ne m’a ennuyé ! Arracher le secret d’une âme quelle qu’elle soit, en observant, en écoutant le modèle, n’est-ce pas l’enivrement du psychologue, du moraliste, du sociologue ? » confiait Jacques-Émile Blanche à son ami Lucien Corpechot.
Ce tableau représente la Comtesse Bavarowska dont Blanche nous parle dans son journal en ces termes : « La charmante femme ! combien elle est pour nous toute l’âme polonaise, rieuse et émotive, sensible, prête aux larmes, impratique, simple, compliquée et fière, la Grande Dame ruinée, fermière maladroite, cheval échappé dans les champs... [...] Mme Bavarowska [sic] ne pouvait garder la pose : elle était agitée ; son visage, tour à tour large ou mince, était déformé par le rire, ou s’allongeait démesurément. Les paupières se fermaient. Elle contait les misères de sa Galicie, la vie dure, là-bas, sur la frontière russe, sur ses terres improductives, la bonté de ses beaux- parents, l’ennui ; l’ennui rongeur de cette maison de jadis et ses devoirs, et son ennui surtout [...]. » (Manuscrit, Paris, Bibliothèque de l’Institut)

Étude pour le portrait de Winnaretta Singer, princesse Edmond de Polignac • Jacques-Émile Blanche

Fille d’Isaac Singer, inventeur de la machine a coudre, Winnaretta Singer devient Princesse de Polignac et une des plus célèbres animatrices de salons artistiques de l’époque où vient le Tout-Paris. Elle partage avec son mari le Prince de Polignac, lui-même compositeur, une grande passion pour la musique.
Winnaretta Singer, dite « Tante Winnie », fut en effet toute sa vie une vraie bienfaitrice de la musique de son temps, accueillant et promouvant notamment dans le grand salon de musique de son hôtel particulier de l’avenue Henri-Martin, les jeunes compositeurs les plus novateurs : Vincent d’Indy, Emmanuel Chabrier, Ernest Chausson, Erik Satie, Gabriel Fauré, Francis Poulenc, Maurice Ravel, Reynaldo Hahn, Darius Milhaud ou encore Germaine Tailleferre.
Elle mourut à Londres le 26 novembre 1943 : lors du service organisé à sa mémoire furent jouées des mélodies de Bach, Mozart et Fauré, ultime hommage à cette mélomane invétérée.

Falaise de Varengeville, nuage rose • Jean-Francis Auburtin

Surnommé «le symboliste de la mer», Jean-Francis Auburtin, grand ami d’Auguste Rodin, s’installe à Varengeville-sur-mer en 1907, dont le site le fascine et où il est inhumé.

Femme à l’ombrelle rouge • Auguste Durst

Femme au jardin, Marcelle • Maurice Marinot

Maurice Marinot (1882-1960), plus connu de la postérité comme un grand maître verrier, est pourtant d’abord un peintre au début de sa carrière qui expose ses peintures en 1905 avec les fauves au Salon des Indépendants, puis au Salon d’automne.
Ce tableau d’une Femme au jardin, Marcelle, est remarquable par sa modernité, et archétypique du style « fauve » qui exacerbe les couleurs.
Cette « Marcelle » de Marinot est en quelque sorte la cousine de "La femme au chapeau" de Matisse (1905) qui a certainement influencé Maurice Marinot. L’artiste va développer ensuite un travail avec la verrerie à partir de 1911, art auquel il apporte beaucoup et qui devient son médium d’élection.

Femme en toilette de bal • Eugène Carrière

Eugene Carrière est très introduit auprès de personnalités du monde littéraire et artistique dont il immortalise les traits: Paul Verlaine, Paul Gauguin, Alphonse Daudet, Auguste Rodin, Georges Clemenceau...

Feuilles de printemps • Charles Fréchon

Charles Fréchon (1856-1929) peut être considéré comme le leader du groupe des « mousquetaires» de l’École de Rouen, avec Leon-Jules Lemaître, Charles Angrand et Joseph Delattre. Charles Fréchon est une figure marquante de la vie artistique rouennaise à la Belle Époque, qui propose une autre version de la peinture impressionniste. Sa peinture est alors célébrée pour l’intensité de ses effets, et surtout sa sincérité.

Ces Feuilles de printemps serait le premier tableau de Fréchon à intégrer les collections de la ville de Rouen, lorsque l’artiste a 51 ans. Fréchon est séduit par les œuvres impressionnistes parce qu’elles sont peintes en plein air. Ses couleurs claires appliquées sur la toile en petites touches légères composent des paysages d’une grande fraicheur au rythme des saisons : feuilles de printemps ou feuillages rougis par l’automne, ou encore prairie enneigée…
Fréchon est très doué pour saisir les nuances riches et complexes de la campagne normande dont il immortalise la variété au fil du temps.

Fin de déjeuner • Auguste Durst

La vie picturale française de la Belle Époque est fortement marquée par l’avènement de la peinture en plein air. Auguste Durst (1842-1930) s’est consacré dans son œuvre à l’exploration de la nature avec cette technique quasi documentaire. Il expose au Salon des artistes français dès l’âge de 26 ans.
La peinture de Durst se révèle cependant plus tard, dans une influence de la peinture impressionniste des années 1880 qui le marque profondément. Il s’attache à la vie populaire de la campagne, à la vie des fermes, aux animaux fermiers. Pourtant, son œuvre à surtout plus de liens de parenté avec « l’École de Barbizon, qu’avec l’impressionnisme. Dans ces tableaux, les paysages sont une scène pour observer des morceaux de vie à la campagne, dans une certaine ambiance intime et dans un style spontané. La plupart des toiles paysagistes d’Auguste Durst ont pour cadre le voisinage de la maison du peintre à Saint Vaast d’Equiqueville près de Dieppe.
Ce Déjeuner que nous exposons date de la période où Durst connaît le plus de succès avec ses thèmes naturalistes. En 1898, l’État lui achète une toile « Dindons, soleil couchant » et en 1900 il présente à l’Exposition universelle une « Paysanne au soleil » qui est remarquée. Le président de la République, Émile Loubet, qui l’a rencontré en personne, le fait chevalier de la légion d’honneur en 1902, et l’État lui achète encore d’autres œuvres. La grande guerre éclipse cet artiste à la peinture si sensible, et la mémoire de Durst s’estompera avec le temps.

Glass Vase, Jug and Wheat • David Hockney

Faire sentir, en peinture, le passage du temps a toujours été des préoccupations majeures de l’artiste, fin lecteur de Marcel Proust.

Granville, sortie du port • Gaston Roullet

Gaston Roullet (1847 - 1925) est révélé en 1874 au Salon des artistes français par une aquarelle intitulée "Entrée du port de Dieppe". Il développe le thème normand à cette époque avec notamment des vues de Fécamp, ou ici de Granville.

En 1885, il est nommé peintre de la Marine et des départements des Colonies, et participe aux campagnes militaires coloniales pour exécuter des dessins des paysages et cultures rencontrés dans ces expéditions. Il a par la suite peint de nouveau de nombreuses vues des côtes bretonnes et normandes.

Houlgate a marée basse • René-Xavier Prinet

René-Xavier Prinet dessine esquisses et croquis à Cabourg, peignant ses toiles plutôt dans ses ateliers
de Paris ou de Bourbonne-les-Bains. Cette étude est présentée pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle.

Inrō & Neksuke

La Belle Époque a sans doute inventé le concept de la collection d’art tel que nous le connaissons encore au début du 21e siècle : une accumulation d’objets d’art, installés dans le décor des maisons de ses propriétaires, extension dans toutes les pièces du cabinet de curiosités de l’âge classique, qui crée un décor d’exception et permet de jouir d’un petit musée domestique.

Le japonisme transparaît dans toute la création artistique et littéraire de la fin du 19e siècle, et les arts asiatiques – singulièrement le Japon, dont les pavillons aux Expositions universelles de Paris de 1867 et 1878 impressionnent beaucoup – deviennent un des courants à la mode dans les cercles de collectionneurs européens. La Belle Époque est la France d’Émile Guimet, qui construit le musée qui porte son nom, dédié aux civilisations asiatiques, en 1888, celle d’Henri Cernuschi, qui ouvre le sien en 1898, celle de Clémence et Adolphe d’Ennery, passionnés de japonisme qui ont légué leurs collections à l’État français. Ces collections japonaises s’intéressent particulièrement aux arts décoratifs, comme cet ensemble d’Inros et Netsuke le montre. Ces boîtes décoratives en laque peinte, qui servaient de poches aux kimonos, deviennent, collectionnées en nombre, une sorte d’installation moderne composée de micro-tableaux.

Intérieur, Tristan Klingsor

Poète, musicien, peintre et essayiste, Tristan Klingsor est le pseudonyme de Arthur Léon Leclère (1866-1966) qui incarne la tradition d’esprit pluridisciplinaire de l’honnête homme de l’âge classique. Artiste polymorphe, il laisse une œuvre riche, faite de poèmes, tableaux et compositions musicales.

Jeanne Prinet lisant sur un canapé • René-Xavier Prinet

« Cabourg reste parmi les temps les plus heureux de ma vie, soyez-en remerciés tous les deux. » écrit en 1915 Marguerite Desvallières à son amie Jeanne Prinet.

Jeune fille lisant • Alfred Smith

Alfred Smith est un peintre d’abord influencé par une esthétique naturaliste proche d’un Corot, très délicate, où les portraits et paysages de nature sont les sujets principaux. Il peint des compositions simples et solides, très bien dessinées, très équilibrées. Dans sa carrière, Smith va ensuite tourner autour de l’impressionnisme sans pour autant vraiment entrer dans ce courant, mais en adoptant certaines techniques et thématiques du courant alors avant-gardiste. « Etre naturaliste, c’est aimer, voir, comprendre et tenter de faire vivre » : ainsi le maître naturaliste Alfred-Philippe Roll définit il alors le naturalisme.
Alfred Smith produit des portraits installés dans des paysages de plein air, imposant au final un style personnel à qui est une sorte de synthèse du naturalisme et de l’impressionnisme.
Même s’il a peint beaucoup de paysages seuls, ses portraits sont un genre essentiel pour l’artiste qui déclare en 1930 : « un peintre n’est pas complet s’il est uniquement paysagiste ». Pour Smith, l’étude de la nature reste liée à celle de la nature humaine.
Ici, cette Jeune fille lisant que le peintre cède au Musée de Rouen en 1911, nous évoque le thème de la lecture, que Marcel Proust a si bien disséquer dans son essai "Sur la lecture" : « II n’y a peut être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passes avec un livre préféré ».

L’Attente • Philippe Ernest Zacharie

Philippe Zacharie (1849-1915) a vécu et peint à Rouen. Après avoir perdu toutes ses toiles dans un incendie en 1884, il réalise une seconde partie de son œuvre, se faisant remarquer par sa grande maîtrise dans les portraits et notamment la représentation délicate de figures féminines. Sa carrière s’arrête prématurément, et son œuvre fait l’objet d’une rétrospective au musée de Rouen en 1930 sous le titre : « Le Peintre rouennais Philippe Zacharie ».

La Convalescente • Adolphe Gustave Binet

Peintre natif du Calvados, Adolphe Binet est un représentant de l’École normande de peinture durant la période impressionniste.

La femme à l’ombrelle bleue • René-Xavier Prinet

À Cabourg, René-Xavier Prinet observe et croque la société de la Belle Époque en villégiature, ses femmes élégantes protégées par leurs ombrelles, ses cavaliers sur la plage.

La lettre • Gustave de Jonghe

Tout au long de sa carrière, De Jonghe peint « le charme discret de la bourgeoisie » dans des intérieurs raffinés où excellent son talent d’observation et sa virtuosité picturale.

La mer • Félix Vallotton

L’inspiration japonisante très à la mode dans cette période transparait pleinement dans cette œuvre à la sobriété très contemporaine.

La nounou noire • René-Xavier Prinet

René Xavier Prinet est issu d’un milieu favorisé : son père Henry Prinet, d’abord magistrat à Paris, puis procureur impérial et juge d’instruction, pratique la peinture en amateur; sa mère, Fanny Mabile, est une descendante du peintre François-Hubert Drouais (1727-1775). Provenant d’une collection privée, ce tableau est présenté pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle.

La pêcheuse de crevettes à Cabourg (étude) • René-Xavier Prinet

« C’est le dernier campement de pêcheurs, pareils à tous les pêcheurs qui ont vécu depuis le commencement du monde, en face du royaume éternel des brouillards de la mer et des ombres.»
Marcel Proust, "Du côté de chez Swann".
Cette étude est présentée pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle .

La Plage de Cabourg • René Xavier Prinet

René-Xavier Prinet est sans doute, avec Jacques-Émile Blanche, l’autre grand peintre « proustien », en ce sens qu’ils ont tous deux tenté de faire en peinture ce que Proust a réussi en littérature : transcender un monde perdu par la naissance d’un style. « Dessinateur très sûr, successeur de Fantin-Latour dans un certain genre de portraits d’intimité familiale, il représente ce qu’on a appelé la mesure française », écrivait Blanche à propos de Prinet.

La maison de vacances des Prinet, le Double-Six, est située sur la promenade de Cabourg le long de la mer, à quelques mètres du Grand Hôtel. À Cabourg, Prinet observe et croque la société de la Belle Époque en villégiature, ses femmes élégantes protégées par leurs ombrelles, ses cavaliers sur la plage. Il dessine esquisses et croquis, peignant ses toiles plutôt dans ses ateliers de Paris ou de Bourbonne-les-Bains, puis il les expose à la galerie Georges Petit. Sur les traces de Boudin qui représente les plages touristiques de Trouville et Deauville vers 1860, mais plus influencé par les impressionnistes, Prinet peint de nombreuses scènes de plage animées à Cabourg, où les personnages ont des traits assez indéfinis pour devenir universels, comme s’ils voulaient incarner un jour les fantômes d’"À l’ombre des jeunes filles en fleurs". Sa Plage de Cabourg de 1910, conservée au musée d’Orsay, est d’abord exposée la même année à Paris, au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Il existe plusieurs variations sur ce thème, dont cette autre scène de plage, issue d’une collection particulière.

Le Bar en gelée à la Russe • Jacques-Émile Blanche

« Un poisson cuit au court-bouillon était apporté dans un long plat en terre ou, [...] il avait I’air d’apparaître dans une céramique de Bernard Palissy » note Marcel Proust dans "Le Coté de Guermantes".

Jacques-Émile Blanche peignit des natures mortes tout au long de sa carrière. C’est que ce genre revêtait pour lui une importance symbolique : c’est par la représentation d’une brioche qu’il fut « intronisé » peintre par son maitre Édouard Manet comme il le rappelle dans La Pêche aux souvenirs : « Je revis mon cher Manet. [...] C’était en 82. L’année d’avant, j’avais peint chez lui la brioche qui me sacra peintre à ses yeux. »

Blanche considère la nature morte comme un genre très noble, défense et illustration de la maîtrise du métier de peintre. Dans ces deux tableaux présentés dans notre exposition, Blanche nous offre une démonstration de sa virtuosité technique, notamment dans la restitution de la lumière et de ses reflets.

Le Champagne • Gaston de La Touche

On le qualifie de « vrai fils de Watteau » pour l’influence des maîtres français du 18e siècle qu’on peut lire dans sa peinture. Célèbre pour ses peintures qui revisitent un passé glorieux, Gaston Latouche est considéré à sa mort comme un des maîtres de la peinture décorative de son temps.
Sa palette est éclatante, avec des couleurs très lumineuses, ce qui, en même temps, rattache cette figure singulière de l’art de son temps aux peintres modernes. La vie mondaine et élégante qu’il fréquente devient son sujet de prédilection. Il aime observer et fixer les attitudes des invités des réceptions et concerts. Dans ses scènes d’intimité telle ce Champagne, La Touche crée une harmonie subtile, et une atmosphère poétique teintée d’une certaine nostalgie pour un temps déjà perdu.

Le Hameau des Vignes à Ouezy (Calvados) • Jules Louis Rame

Jules-Louis Rame, ami de Berlioz et de Rodin, a vécu et travaille la majeure partie de sa vie dans le Calvados, dont il a immortalisé les paysages.

Le Jeune fils du peintre Helleu • Jacques-Émile Blanche

Inspirateur du personnage proustien du peintre Elstir, Paul César Helleu et sa famille passent leurs étés dans la Villa Saint-Augustin à Benerville. Ce portrait du petit Jean Helleu fut peint à Dieppe, en 1897. Le fils est ici en costume de vacances. J.-E. Blanche fréquente les Helleu comme ceux-ci fréquentent Marcel Proust, dans une Normandie qui est le centre des étés de l’intelligentsia française.

Blanche et Helleu sont réunis par une admiration commune pour Whistler et Sargent et fréquentent les mêmes cercles artistiques. Ils ont séjourné ensemble à Londres en 1882 en compagnie de Rodin et Gervex. Ils se fréquentent souvent à Paris et à Dieppe. Ce tableau témoigne d’une palette plus chaude de Blanche, notamment dans les fonds, qui contraste avec ses pastels aux fonds plus froids. Il recherche aussi avec l’huile des effets de transparence.

Le Réveil • René-Xavier Prinet

Peintre des intérieurs, Rene-Xavier Prinet cherche a capter la poésie latente des choses de la vie, comme ici le lever d’une jeune fille en fleurs.

Les Régates à Henley • Jacques-Émile Blanche

Les régates royales d’Henley sur la Tamise sont un événement sportif et mondain international très important à la Belle Époque. La course de nageurs amateurs se déroule à Henley-on-Thames, dans l’Oxfordshire en amont de Londres, au début du mois de juillet. L’événement s’était déroulé pour la première fois sur une demi-journée en 1839. Placée sous le patronage du prince Albert en 1851, la compétition fut après sa mort systématiquement patronnée par le souverain. La passion britannique pour l’aviron en a fait un événement social de première importance et l’un des temps forts de la Social season.

Blanche a consacré plusieurs toiles à l’événement qui, pour la plupart, semblent avoir été exécutées vers 1910. C’est une époque où il s’intéresse tout particulièrement à la question du plein air, en se confrontant notamment à la peinture impressionniste des années 1870. Quand Blanche aborde ce répertoire, la pratique sportive de l’aviron renvoie à une histoire picturale étroitement associée à celle de la « nouvelle peinture ».

On sait l’importance que tiennent les scènes de canotage dès les débuts de l’impressionnisme chez Monet, Renoir ou Caillebotte, attachés d’ailleurs à dépeindre des pratiques récréatives plutôt que l’univers de la compétition. Sisley en revanche avait été particulièrement sensible à l’animation qui entourait les régates en Angleterre, au point de consacrer une importante suite de toiles aux courses d’aviron de Molesey, non loin de Hampton Court, peinte pendant son séjour de l’été 1874.

Blanche s’est moins intéressé aux nageurs de la régate en action, avec ses groupes d’élégants vêtus de couleurs claires, qu'à leur représentation dans une lumière du plein air que le jeu des reflets rend particulièrement capricieuse. Comme dans ses scènes inspirées par le cricket ou les courses de chevaux, il y a vu un moment très typique de la vie sociale anglaise.

Lucie Esnault • Jacques-Émile Blanche

Fille d’un serrurier d’Auteuil, Lucie Esnault était régulièrement employée par Jacques-Émile Blanche comme modèle de portraits qui sont ainsi autant de fictions pour transcrire les impressions du monde du peintre. Habillée en costumes du monde par l’artiste, la jeune fille, sorte de muse, devient ainsi une incarnation possible des jeunes filles en fleurs proustiennes. Blanche avait un dressing de costumes pour ses modèles, Lucie Esnault ou Désirée Manfred par exemple. Ses portraits ne sont pas donc pas seulement des commandes de bourgeois qui désirent leur image dans leur salon, mais aussi un support pour témoigner d’un temps, de cette Belle Époque dont Blanche est un témoin privilégié.

Madame La Lyre sur la plage de Carteret • Adolphe La Lyre

Ayant découvert la Normandie en 1872, Adolphe La Lyre (1848-1933) s’installe à Carteret dans le Cotentin, où ce peintre des femmes, émule de Jean-Jacques Henner, fait notamment construire le « château des sirènes » qui fut le cadre de la conception d’une grande partie de son œuvre peint.

Mantelet d’Opéra – Jacques Doucet

À la Belle Époque, la maison Doucet figure parmi les maisons de haute couture parisiennes incontournables. Jacques Doucet compte parmi sa riche clientèle des personnalités telles que Sarah Bernhardt, Réjane ou la Belle Otero. Ce mantelet d’opéra richement orné est un bel exemple du savoir-faire du couturier.
Porté par la marquise d'Aligre, ce mantelet inspire Marcel Proust qui le décrit dans « Sodome et Gomorrhe » lorsqu’il est porté par Madame de Cambremer.

Marcel Proust : 1er octobre 1891, Trouville • Jacques-Émile Blanche

Premier portrait réalisé par son ami Jacques-Émile Blanche, cette esquisse figurant Marcel Proust est exécutée dans la villa Les Frémonts chez leurs amis Baignères.

Marcel Proust avec Robert de Flers et Lucien Daudet • Anonyme

Marcel Proust pose ici avec deux de ses meilleurs amis de jeunesse, Robert de Flers (un autre modèle de Robert de Saint-Loup) et l'écrivain Lucien Daudet.

Moi par moi • Jacques-Émile Blanche

« Jacques Blanche était tellement lui même du côté de chez Swann que, sortant d’un chapitre du livre, je croyais entrer, rue du Docteur Blanche, dans une suite vivante de l’œuvre » disait François Mauriac, sans doute l’observateur le plus fin et le plus juste de son époque.

Jacques-Émile Blanche est autant un dandy que Marcel Proust, mais il partage cependant avec son ami romancier surtout le souci de cultiver l’art de vivre pour l’art. On peut constater dans sa correspondance et son journal à quel point l’art est le sujet fondamental de la vie de Blanche, autant qu’il l’est dans la vie et l’œuvre de Marcel Proust. Blanche fut en 1914 le premier à écrire une critique favorable au premier volume du roman de Proust, "Du côté de chez Swann", percevant avant tous et mieux que quiconque le génie littéraire de ce texte.

Morceau de saumon dans un plat d’argent • Jacques-Émile Blanche

C’est Edouard Manet qui recommande à son ami et disciple Jacques-Émile Blanche la pratique de la nature morte, considérée comme un exercice parfait pour mesurer le talent artistique d’un peintre. Blanche développe beaucoup ce genre notamment lors de ses séjours dans la première maison familiale de villégiature à Dieppe. Ces natures mortes de reliefs de repas sont aussi des témoignages précieux des arts de la table à la Belle Époque.

Paire de vases japonais

Cette paire de vases, donnée au musée Guimet par Madame Selma Bieck, pourrait être l’œuvre de Toukamoto Keisuke. Le motif de la carpe-dragon évoque la ville de Nagoya.

Paysage d’automne • Charles Fréchon

Figure marquante de la vie artistique rouennaise à la Belle Époque, Charles Fréchon propose une autre version de la peinture impressionniste.

Petit pêcheur normand • Alphonse Osbert

Alphonse Osbert (1857-1939), est un peintre du courant symboliste. Formé à l’école des Beaux-arts, où il a pour camarade Georges Seurat, Alphonse Osbert commence une œuvre influencé par Léon Bonnat, ou Fernand Cormon. Il peint des toiles naturalistes ou dans un style post-Barbizon, dans les années 1880. Il fait ensuite la connaissance de Maurice Denis et Puvis de Chavannes, dont l’esthétique ouvertement décorative et l’expression symboliste, l’influencent beaucoup. Il est aussi proche du poète symboliste Stéphane Mallarmé. Passionné par la Manche et sa culture, Osbert peint des scènes contemplatives de bord de mer, tel ce « Petit pêcheur normand », qui semble méditer dans une lumière idyllique. Le musée d’Orsay conserve plusieurs centaines d’œuvres (toiles et esquisses) léguées par la fille du peintre à l’État en 1992.

Plage de Dieppe, face au Casino • Jacques-Émile Blanche

« Dieppe, ville des peintres, depuis Delacroix, avait fourni des motifs a Corot, Daubigny, je dirais tous les peintres du milieu du 19e siècle, puis a Boudin et Vollon » raconte Jacques-Émile Blanche dans ses mémoires intitulés "La Pêche aux souvenirs".
Dieppe est une ville qu’il connaît par cœur. Le peintre y passe les vacances de sa jeunesse. Tous les étés, de 1872 à la mort de sa mère en 1895, Jacques-Émile Blanche séjourne dans le chalet construit au Bas-Fort Blanc, face à la mer, qui est le quartier des peintres et des musiciens de Paris en villégiature à Dieppe. Renoir et Degas fréquentent la maison en voisins, ainsi que les frères Halévy (grands amis de Marcel Proust). Jacques-Émile Blanche publie en 1927 un hommage à la ville avec son essai Dieppe. Dieppe est à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle une station huppée, que fréquentent les grands de Paris : la princesse Mathilde, Robert de Montesquiou, le prince de Polignac, le comte Greffulhe…

Portrait d’Eugène Rouart • Jacques-Émile Blanche

Eugène Rouart est un homme politique français, issu d’une famille d’artistes. II est ami avec André Gide, à qui il inspirera la trilogie de "L’École des femmes".

Portrait de Claude Debussy • Marcel Baschet

Musicien célèbre, Claude Debussy séjourne en Normandie l’été, notamment à Houlgate. Son opéra « Pelléas et Mélisande » est cité plusieurs fois dans « Sodome et Gomorrhe », quatrième volet de « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust.

Portrait de femme en robe mouchetée • Henry Caro-Delvaille

Henry Caro-Delvaille immortalise dans ses tableaux, à leur demande, ses clients de la bourgeoisie de la Belle Époque. Son œuvre compose ainsi une sorte de photographie d’une certaine société de l’entre deux siècles, qui coïncide en partie, dans ses thèmes et ses mœurs, avec la société que décrit Marcel Proust dans "À la recherche du temps perdu".

Portrait de Jacques-Émile Blanche • Lucien Simon

Lucien Simon, ami de Jacques-Émile Blanche et de René-Xavier Prinet, est aussi, comme ses amis, un peintre à succès. Si la postérité n’a pas été aussi favorable au rayonnement de l’œuvre de Lucien Simon, il nous lègue cependant un des portraits les plus expressifs de Jacques-Émile Blanche, ici âgé de quarante deux ans, figure centrale de la vie artistique et littéraire (il a publié une cinquantaine d’ouvrages) de la Belle Époque, normand dans l’âme, et proustien dans l’imagination.
Exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de 1904, ce tableau fut exécuté l’année précédente, alors même que Blanche réalisait lui-même un portrait de son ami Lucien Simon : ce jeu de regards croisés entre les deux artistes témoigne de l’amitié qui les unissait. De fait, les deux confrères se fréquentaient depuis le début des années 1890, au moment de leur abandon du Salon des artistes français pour leur ralliement au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Nés la même année, ils firent partie de cette génération d’artistes emblématique des expositions de la galerie Georges Petit. Simon et Blanche reçoivent tous deux une médaille d’or lors de I’Exposition universelle de 1900 à Paris. Ils enseignèrent également ensemble à l’Académie de la Grande Chaumière, à partir de 1906, et bénéficièrent tous les deux d’une exposition à la Biennale de Venise en 1912. Cette proximité dans leur parcours artistique se doublait de réelles affinités personnelles.

Portrait de Madame Faure • François Flameng

Très apprécié du public, François Flameng effectue des portraits de personnages importants dont un célèbre portrait de Victor Hugo.

Portrait de Madame Helleu • Paul-César Helleu

Paul César Helleu épouse Alice Guérin après l’avoir connue en faisant son portrait. Leur ami Robert de Montesquiou louait « la multiforme Alice dont la rose chevelure illumine de son reflet tant de miroirs de cuivre ».
Elle joue un rôle central dans la vie et la carrière de Helleu, et devient la muse et le modèle de plusieurs de ses chefs-d’œuvre.

Portrait de Marcel Proust • Jacques-Émile Blanche

Né dans le même Auteuil que Jacques-Émile Blanche, Marcel Proust incarne comme son ami peintre cette société qui, de tous les arts, pratique d’abord l’art de vivre. Blanche ne peut que reconnaître un peu de sa propre jeunesse dans la figure de ce jeune cadet, à cette époque de son œuvre où la photographie n’a pas encore compromis les ambitions du portraitiste mondain, et où il ne peut même imaginer qu’une guerre terrible fera disparaître les plaisirs et les jours d’une certaine société de la Belle Époque qui est sa raison de vivre et le sujet de son œuvre.

Il dessine un premier portrait du jeune Proust, en octobre 1891, à Trouville, lors d’un séjour normand où les deux amis se retrouvent. Ce dessin au crayon, conservé à la Bibliothèque nationale de France engendre sans doute l’idée du portrait peint réalisé l’été suivant, mais n’en demeure pas moins une œuvre en soi, distincte. Proust a raconté la genèse de ce premier portrait : « Une esquisse au crayon qui a précédé mon portrait à l’huile a été faite avant le dîner, à Trouville, dans les admirables Frémonts et où montaient du manoir des Roches ou de la villa persane la marquise de Gallifet, cousine germaine de la maîtresse de maison, avec la princesse de Sagan, toutes deux dans leur élégance aujourd’hui à peu près indescriptible, d’anciennes belles de l’Empire.»

Les Frémonts, où séjourne Proust, étaient cet été 1891 la résidence de la famille de son ami Arthur Baignères, et servirent de modèle à la maison de La Raspelière, dans la Recherche. En juin 1892, Marcel, étudiant en droit et en sciences politiques, pose à nouveau le samedi matin dans l’atelier de Blanche, dans l’hôtel familial rue du Docteur-Blanche. Il raconte ces séances suivies de déjeuners chez les parents du peintre dans sa préface à l’essai de Blanche, De David à Degas.

La correspondance entre Proust et Blanche montre le bonheur qu’éprouve le jeune homme à être portraituré par celui qu’il appelle « Mon peintre ! ». Blanche, quant à lui, est moins satisfait de ce portrait qui était initialement en pied. « L’exécrable étude que j’ai peinte de lui était très ressemblante ; j’avais déchiré cette toile », raconte-t-il : il aurait découpé la toile pour se concentrer sur le buste de ce jeune Marcel chez qui il perçoit, visionnaire avant tous, « les signes inquiétants du pur artiste ». Le portrait peint de Proust par Blanche est une œuvre exclusive, dans tous les sens du terme. Marcel aime cette image comme une sorte de miroir de sa jeunesse – il ne s’en sépara jamais. Il n’y aura pas d’autre portrait peint de lui de son vivant, alors que l’on sait qu’il a rejeté au moins une autre proposition du même Blanche. Proust rechigne même à partager cette image avec son auteur, et l’attribue à Antonio de La Gándara lorsqu’il l’évoque dans Jean Santeuil.
Si le tableau est exposé en 1893 au Salon du Champ-de-Mars parmi une douzaine de toiles de Blanche, il ne sera ensuite remontré au public qu’en 1922, pour l’exposition « Cent portraits » à l’Union interalliée, et Proust ne laissa publier cette image de son vivant qu’une seule fois, en 1920, pour illustrer la couverture d’une édition de luxe d’"À l’ombre des jeunes filles en fleurs".

Portrait de Paul Baignieres • Jacques-Émile Blanche

Paul-Louis Baignères (1869-1945), jeune peintre de bonne famille, élève de Léon Bonnat et Henri Gervex, est un ami de Jacques-Émile Blanche et de Marcel Proust qui lui dédie une de ses études pour La Revue Blanche en 1893.
Il accueille l'écrivain en vacances en 1891 dans la villa de famille Les Frémonts, à Trouville. C'est lors de ce séjour que Marcel Proust a son premier portrait dessiné par Blanche, un dessin daté du 1er octobre 1891. La même année, le peintre réalise ce portrait de son jeune confrère. Il est frappant de distinguer dans ce tableau les traits caractéristiques du style de Blanche à cette époque (notamment le fond noir) que l’on retrouve dans le portrait peint de Marcel Proust réalisé l’année suivante.

Portrait de Pierre Loüys • Jacques-Émile Blanche

Ami de Marcel Proust dans sa jeunesse, Pierre Loüys cultive comme lui un certain goût du monde, et une passion pour l’écriture. Poète et romancier de I’amour et de la sensualité, il est notamment I’auteur de « La Femme et le pantin ou Les chansons de Bilitis ».

Portrait de Sarah Bernhardt • Paul Nadar

Comédienne la plus célèbre de son époque, Sarah Bernhardt est adulée par Marcel Proust.
Elie a inspiré en partie le personnage de la Berma dans "À la recherche du temps perdu", ou le narrateur dit « sa joie d’aller entendre la Berma dans Phèdre, dont le seul nom illumine I’actrice de son prestige ».

Rouleaux de vagues à Cabourg • René-Xavier Prinet

« Je n’avais pas de plus grand désir que de voir une tempête sur la mer, moins comme un beau spectacle que comme un moment dévoilé de la vie réelle de la nature », Marcel Proust, "Du côté de chez Swann".

Salle à manger du clos Saint-Jean • René-Xavier Prinet

Le Clos Saint-Jean est la propriété parisienne des Prinet, qui partagent leur vie entre Paris, Bourbonne-les-bains et Cabourg.

Sous-bois en hiver • Charles Fréchon

Peintre des saisons, aimant travailler en plein air comme les impressionnistes, Charles Fréchon est
habile à saisir toutes les nuances de la campagne normande, qui le passionne tout au long de sa carrière fortement marquée par la Normandie et la beauté profonde et complexe de sa nature.

Sur la plage, Dieppe • Paul-César Helleu

Parmi les amis de Marcel Proust, les Halevy ont une propriété à Dieppe, de même que Jacques-Émile Blanche, Madeleine Lemaire ou les Greffulhe.

Un bel après-midi • Ferdinand Heilbuth

Ferdinand Heilbuth (1826-1889), peintre français d’origine allemande, développe dans la dernière partie de sa carrière une peinture bucolique et champêtre, se liant d’amitié avec Alfred Sisley, Claude Monet et aussi Edouard Manet. Il fréquente les guinguettes des bords de Seine, développe une palette plus claire, dialoguant avec l’esthétique impressionniste sans y pénétrer vraiment, pour continuer à observer et à retranscrire les scènes de la vie.
Son succès est très important dans cette première partie de ce qu’on appellera plus tard la Belle Époque, prémisse qui est le cadre de la vie du jeune Marcel Proust, et fondement même d’« À la recherche du temps perdu »

Varengeville, la cabane des douaniers • Jean-Francis Auburtin

À la façon d’un Hokusai français, Auburtin pratique la gouache en virtuose, fixant sur le papier les points de vue les plus pittoresques de la côte normande.

Vase de fleurs • Henri Fantin-Latour

Les fleurs s’imposent a Henri Fantin-Latour comme un motif de prédilection, qui lui offre une matière d’expérimentation picturale et un grand succès commercial.
La nature morte, genre méprisé pendant la seconde moitié du 20e siècle est cependant à la Belle Époque un genre très prisé et reconnu par les plus grands peintres, dans la tradition des maîtres classiques. Il est à noter que le genre revient à la mode aujourd’hui dans l’art le plus contemporain, si l’on pense notamment aux bouquets de fleurs dessinés par un programme informatique de l’artiste pionnier Michel Paysant.

Robe • Jacques Doucet

Jacques Doucet (1853-1929) fonde en 1875, rue de la Paix, une des premières maisons de haute couture qui devient rapidement un lieu incontournable de la mode parisienne. De 1880 aux années 1920, il habille les femmes de la haute société comme les actrices et les mondaines les plus en vues. Réjane, la Belle Otero ou encore Sarah Bernhardt font partie de ses clientes, séduites par la coupe raffinées et la construction impeccable de ses vêtements, leurs nuances subtiles et leurs ornementations précieuses.
Doucet est cité dans "La Recherche": il est l’un des rares, selon Elstir, à concevoir « les modes des femmes pour les automobiles », soit des toilettes modernes. Bibliophile et collectionneur, Doucet parraine de nombreux artistes.

Farawell • Vittorio-Matteo Corcos

Ce portrait d'une jeune femme de grande beauté, cadrée de près, montre un personnage mystérieux qui semble dire au revoir à un bateau, « Farawell » signifiant « Adieu », que l'on devine grâce à la fumée de la cheminée peinte juste au-dessus de l'horizon.
Richement vêtue de tissus et de dentelle - les mitaines de dentelle noire faisant ressortir la blancheur de sa peau-, coiffée d'un chapeau fleuri, cette femme reflète la bourgeoisie du 19ème siècle profitant de la villégiature en bords de mer.

Portraitiste italien virtuose, Vittorio Corcos (1859-1933) a honoré les commandes de personnalités tel l’empereur d’Allemagne Guillaume II, avant de peindre une série de femmes affirmées et « indépendantes » qui ont beaucoup séduit et parfois choqué par leur ambigüité et leur mystère.

Portrait de Pierre Bracquemond enfant • Marie Bracquemond

Marie Bracquemond (1840 – 1916) est l’une des figures féminines de l’impressionnisme avec Berthe Morisot et Mary Cassatt, longtemps éclipsée par son mari, le peintre Félix Bracquemond.
Marie Bracquemond débute sa carrière dans un style proche d'Ingres. Élève de ce dernier, elle constate que l’artiste a « peu d’estime pour les femmes artistes […]. Parce qu’il doutait du courage et de la persévérance des femmes dans le domaine de la peinture […] il ne leur confiait que des peintures de fleurs, de fruits, des natures mortes, portraits ou scènes de genre ».
En 1870, elle donne la naissance à un garçon, Pierre, qui deviendra peintre et décorateur, et qu’elle représente ici âgé de 8 ans. On sent dans ce portrait de son fils unique l'inspiration d'Alfred Stevens qu'elle admire beaucoup.

Portrait de Lucienne Bréval • Eugène Carrière

Les tableaux de Carrière attestent d'un goût de l'insaisissable. Un tableau de Carrière ne se veut pas beau mais fort. L'artiste privilégie la lumière à la couleur. Le portrait de Lucienne Bréval, interprète lyrique de Debussy, semble flotter dans un flot d'ondes musicales, celui d'Henri Rochefort est marqué par la détermination voire l'obstination du polémiste.
Eugène Carrière (1849 - 1906), ami de Rodin, a indéniablement eu une aura, il fut une sorte de maître à penser pour beaucoup de jeunes artistes et l'histoire de l'art reste injuste à son égard, malgré des essais courageux de réévaluer son œuvre.

Coin du parc, Amfreville • Edouard Vuillard

Grand admirateur des classiques comme Vermeer, Watteau et Chardin, Edouard Vuillard (1868 - 1940) développe un gout pour les natures mortes réalistes et aime beaucoup peindre des scènes d'intérieur. Son travail se caractérise par une recherche nuancée de gammes colorées, d'équilibres entre les clairs et les obscurs, des traits travaillés en arabesques et des motifs décoratifs inspirés des estampes japonaises.

En 1889, il se joint à un petit groupe d'artistes avec Maurice Denis et Pierre Bonnard, les Nabis. Il s'agit pour ces artistes de se libérer de toutes les conventions académiques et en particulier de la reproduction fidèle de la nature ou de la scène observée. Vers 1900, l’art d’Édouard Vuillard évolue sous l’influence de Claude Monet, avec des toiles davantage ouvertes à la lumière du soleil et traversés de couleurs plus vives. À l'aide de motifs simplifies et de larges aplats de couleurs, l'artiste crée une composition faite d'horizontales et de verticales en s'affranchissant de la perspective, mais donnant cependant une impression de profondeur avec des tons neutres.
Le parc de sa maison d'Amfreville (Calvados) l’inspire pour de nombreuses œuvres.

Rose dans une coupe • Henri Fantin-Latour

À la fin du 19ème siècle, la nature morte est un genre toujours considéré comme mineur, en dépit des réalisations de Courbet, de Manet et même de Delacroix. Néanmoins presque tous les peintres la pratique selon leurs styles et leurs influences, témoignant d’une attention grandissante pour les objets quotidiens, les fleurs sans apparat.
Dès ses débuts, dans les années 1860, Henri Fantin-Latour (1836-1904) peint des bouquets, alors très appréciés de la clientèle anglaise, qui deviennent sa principale source de revenus.
La nature morte est un excellent moyen pour Fantin-Latour de perfectionner son art, d’étudier les rapports de tons et de couleurs. Ayant un sens aigu de la composition, Fantin-Latour joue sur la répétition des motifs d’un tableau à l’autre (au total nous comptons 160 compositions florales de l’artiste), sur un habile compromis entre équilibre et déséquilibre.
Cette nature morte « rose dans une coupe » témoigne du sens de l’observation de l’artiste, capable de restituer couleurs et textures dans toute leur variété. Si le fond est négligé, la lumière est en revanche traitée avec la plus grande subtilité, Les fleurs s’imposent a Henri Fantin-Latour comme un motif de prédilection, qui lui offre une matière d’expérimentation picturale et un grand succès commercial.
La nature morte, genre méprisé pendant la seconde moitié du 20e siècle est cependant à la Belle Époque un genre très prisé et reconnu par les plus grands peintres, dans la tradition des maîtres classiques. Il est à noter que le genre revient à la mode aujourd’hui dans l’art le plus contemporain, si l’on pense notamment aux bouquets de fleurs dessinés par un programme informatique de l’artiste pionnier Michel Paysant.

Aiguille d’Etretat, vue plongeante sur l’aiguille • Jean-Francis Auburtin

Grand peintre de marines, Auburtin est un amoureux fou de la nature. Il privilégie la gouache pour ses effets de matière opaque et mate.
À la façon d’un Hokusai français, Auburtin pratique la gouache en virtuose, fixant sur le papier les points de vue les plus pittoresques de la côte normande.

Appareil à soufflet Kodak de Reynaldo Hahn

Jusqu’à la mort de l’écrivain en 1922, Marcel Proust et Reynaldo Hahn continuent à se voir et s’écrire. Reynaldo encourage les travaux littéraires de son ami et Marcel ne manque aucun de ses concerts parisiens.

Assiette parlante « Bains de mer III » • Hippolyte Boulenger

En 1863, Hippolyte Boulenger (1836-1892), neveu de Louis-Xavier Boulenger et fils d’Adolphe Boulenger, devient directeur de l’entreprise familiale des Faïenceries de Choisy-le-Roi, célèbre pour ses créations en faïence pour les arts de la table, vendu en France et dans le monde entier, mais aussi ses céramiques comme les carreaux blancs qui décorent le métro parisien.
Véritable phénomène de mode au 19e siècle, les assiettes en faïence fine dites «parlantes» comportent un décor historié et légendé. Les sujets sont extrêmement variés : la vie militaire, la chasse, les monuments ou les mœurs de la société urbaine et rurale française.
Cet ensemble d'assiettes a pour thème la pratique des bains de mer. C'est avec humour que sont dépeints les plaisirs de la plage à l'image de cette femme disant à son enfant que "la mer c'est comme la soupe… c'est toujours plus froid sur le bord"...

Barques à Etretat (style Nabi) • Jean-Francis Auburtin

Cette œuvre marque un tournant "nabi" du style d'Auburtin, qui rompt avec son œuvre plus impressionniste. Les couleurs prononcées de cette gouache sont en aplats, et ne cherchent pas de relief ni de détails. Auburtin s'inscrit dans le "synthétisme pictural" défini par les peintres Nabis.

Boite souvenir ayant appartenu à Céleste Albaret

Cette boite souvenir représentant le Grand Hôtel de Cabourg, fut achetée par Marcel Proust à l'occasion d'un séjour dans la station balnéaire. L'écrivain l'a offerte à sa gouvernante et confidente Céleste Albaret.

Dieppe, le quai du Pollet • Léon-Jules Lemaître

Après des études à l’Académie de peinture de Rouen puis dans l’atelier de Jean-Léon Gérôme à Paris, Léon-Jules Lemaître ( 1850- 1905) se consacre à la peinture de plein air dans la vogue de l’impressionnisme.
Il fait partie de cette École de Rouen qui compte aussi ses amis Frechon, Angrand et Delattre : “Comme les trois mousquetaires, ils sont quatre, jeunes, ardents…” écrit alors un critique.

Les toiles que Lemaître peint avec une grande énergie sont plutôt méprisées par le public averti de l’époque. Un peu dépité par l’absence de réaction pour son art impressionniste, Lemaître finit par adopter une technique plus classique pour représenter sa ville de Rouen, son architecture et ses habitants, et d’autres scènes urbaines de villes normandes, dans un style qu’on peut qualifier de néo-impressionniste.

Le peintre s’intéresse aux petites gens, et son œuvre nous permet de regarder une autre facette, plus populaire, de la Normandie à la Belle Époque. Dans ce tableau exposé, Lemaître saisit la vie bouillonnante sur le quai du Pollet à Dieppe, quartier historique des pêcheurs. Les personnages sont immergés dans un halo de brouillard typique de sa peinture, et affrontent le vent et la rudesse du climat. Lemaître peint à la même époque un autre quai de Dieppe, le Quai Duquesne, marché aux poissons de la ville normande, avec une foule de personnages qui se pressent. L'œuvre est aujourd’hui conservée au Château-Musée de Dieppe.

Étretat, porte d’aval • Jean-Francis Auburtin

Condisciple d’André Gide et de Pierre Louÿs à l’école alsacienne de Paris, Jean-Francis Auburtin se forme à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris mais appartient à la génération des peintres influencé par la peinture impressionniste, le japonisme et par le courant symboliste.
Admirateur de Claude Monet, il s’engage dans ses pas jusqu’en Normandie : il peint sur le motif les falaises d’Étretat, de Pourville et de Varengeville où il installe son atelier en 1907.
Se retrouve en germes dans cette toile de la porte d’aval toute la puissance monumentale que le peintre confère à la mer, au ciel, aux falaises, aux nuages dans ces expériences picturales autour du paysage marin.

Étude pour le portrait de la comtesse Anna de Noailles • Jacques-Émile Blanche

Jacques-Émile Blanche a immortalisé les grands écrivains et artistes de son époque. Ses portraits dessinent une véritable cartographie de la vie artistique mondaine de la Belle Époque. Cette étude dévoile l’importance qu’accord l’artiste à l’attitude de ses modèles ainsi qu’au regard. L’artiste hérite de son père l’intérêt pour la perception psychologique : « Arracher le secret d’une âme […], n’est-ce pas l’enivrement du psychologue, du moraliste comme du peintre de portraits ? », s’interroge-t-il. Née Princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, Anna de Noailles (1876-1933) est une poétesse importante, grande amie de Marcel Proust qu'elle rencontre en 1893.
Ce tableau est la deuxième étude pour le portrait que réalise Jacques-Émile Blanche.

Étude pour le portrait de Raymond Radiguet • Jacques-Émile Blanche

« Phénomène des lettres françaises », selon Jean Cocteau, l’écrivain Raymond Radiguet (1903-1923) eu une carrière éclaire, mort à 20 ans.
Lancé dans le journalisme à 15 ans, il rencontre très jeunes les artistes comme Picasso, Modigliani, Max Jacob et surtout Jean Cocteau, qui fut comme son mentor.
C’est à 17 ans que sa carrière débute avec le « Diable au corps », l'histoire d’une jeune femme qui profite du départ au front de son mari pour nouer une liaison avec un jeune adolescent. Cette histoire scandalisa autant qu'elle séduisit.
Son roman suivant « Le Bal du comte d'Orgel », une histoire d’amour chaste, est publié à titre posthume. Son écriture de grande qualité, sobre et mesurée, est salué par la critique.

Jeune fille à la harpe • Jacques-Émile Blanche

Peintre, écrivain, homme du monde, Jacques-Émile Blanche est aussi un musicien virtuose, ami de Claude Debussy notamment.

Ce tableau illustre sa technique sublime du pastel, sans doute le médium artistique ou il excelle le plus, et qu'il utilisera tout au long de sa carrière notamment dans ses portraits féminins. Compte tenu de la fragilité de ces œuvres, les prêts pour des expositions sont rares.

La Famille Capelle • Jacques-Émile Blanche

Jacques-Émile Blanche (1861-1942) est le peintre par excellence des milieux artistique, intellectuel et mondain de la fin du 19ème siècle. Il réalise en 1919 cette étude intime de quatre membres de la famille Capelle.

La famille Finaly aux Frémonts • Anonyme

Les Finaly, banquiers installés à Paris, entre en possession de la villa des Frémonts, construite sur les hauteurs de Trouville, grâce à l’entremise de Marcel Proust, ami de la famille.
Sans souci financier à l’époque où la photographie est un loisir couteux, les Finaly s’y adonnent et produisent des milliers de clichés les représentant dans leurs différentes activités balnéaires : aux courses, sur les planches de Trouville, ou durant une partie de tennis, comme c’est le cas pour cette prise de vue. Pris dans l’intimité, ces clichés sont saisissants de vie et de spontanéité. Marcel Proust, marqué par cette famille, s’inspire de certains de ses membres pour façonner ces personnages et la villa des Frémonts devient dans son œuvre la villa de La Raspelière.

La modiste • René-Xavier Prinet

Formé chez Louis-Charles Timbal et Jean-Léon Jérôme, René-Xavier Prinet (1861-1946) participe à la fin du 19e siècle à la création de la "Bande noire" ou groupe des "Nubiens" ; ensemble d'artistes que fréquente également Jacques-Emile Blanche, qui se démarque des palettes claires des impressionnistes et flamboyantes des fauves. Intégré à ce réseau d'amis fidèles, René-Xavier Prinet expérimente une palette aux tonalités sombres et des compositions marquées par les contrastes entre zones d'ombres et tons clairs.

Dans la "Modiste", la gamme de noirs, de gris et de beiges très raffinée participe à la simplification extrême de la composition. Le carton à chapeau turquoise, le col blanc du corsage et le jaune lumineux du chapeau représentent les seuls éléments de couleurs vives et attirent toute la lumière de la scène. Cette lumière guide le regard vers le visage de la jeune femme et vers son geste suspendu sur la poignée de la porte, contribuant ainsi au caractère mystérieux de l'œuvre, comme métaphore de l'attente.

La plage (étude) • René-Xavier Prinet

« Dessinateur très sûr, successeur de Fantin-Latour dans un certain genre de portraits d’intimité
familiale, il représente ce qu’on a appelé la mesure française », écrit Jacques-Émile Blanche à propos de René-Xavier Prinet.

Cette étude présentée pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle offre l’opportunité inédite de la comparer avec le plus célèbre des tableaux de Prinet, "La Plage", conservé au Musée d’Orsay.
En regardant les dessins de Prinet, on comprend mieux la fabrique de ses tableaux. Prinet exécute d’abord des croquis sur la plage, en temps réel, quasi documentaires, puis peint par la suite ses œuvres finales en atelier.

La plage à marée haute • René-Xavier Prinet

Prinet observe et croque la société de la Belle Époque en villégiature, ses femmes élégantes protégées par leurs ombrelles, ses cavaliers sur la plage. Il dessine esquisses et croquis, peignant ses toiles plutôt dans ses ateliers de Paris ou de Bourbonne-les-Bains, puis il les expose à la galerie Georges Petit.

La société des amis de la médaille française

La « Société des amis de la médaille française » ou la Belle Époque racontée par ses médailles.
Liste des médailles exposées :

1
La jeunesse, 1899
Jeune fille de profil (avers), Iris (revers)
Jules-Prosper Legastelois
Plaquette, 60 x47 mm
Bronze, frappe au balancier

2
Junon et Psyché, 1899
Junon levant la tête tranchée d’Argus (avers), Psyché assise pleurant (revers)
Ferdinand Levillain
Médaille, 50 mm
Bronze, frappe au balancier

3
Maternité, 1899
Mère allaitant son enfant (avers), portrait de Thérèse la fille de l’artiste (revers)
Alexandre Charpentier
Plaquette, 80 x 52mm
Bronze, frappe au balancier

4
La toilette, 1899
Femme à sa toilette (avers), miroir et rameau fleuri dans les nuées (revers)
Louis-Oscar Roty
Plaquette, 68 x 34
Bronze, frappe au balancier

5
Musique Guerrière, 1900
Allégorie de la musique (avers), guerrier et Euterpe (revers)
François-Paul Niclausse
Médaille, 60 mm
Bronze, frappe au balancier

6
Autoportrait, 1900
Profil de l’artiste à gauche (avers), angelot assis sur un nuage (revers)
Jean-Baptiste-Daniel Dupuis
Médaille, 50 mm
Bronze, frappe au balancier

7
Souvenir de l’Exposition de 1900, 1900
La France accueille et couronne le génie des deux mondes (avers), vue panoramique et aérienne de l’exposition (revers)
Jules-Edouard Roiné
Plaquette, 55 x 68 mm
Bronze, frappe au balancier

8
Loïe Fuller, 1900
L’artiste dansant (avers), arums entrelacés (revers)
Pierre Roche
Médaille, 72 mm
Bronze, frappe au balancier

9
Combat de cerfs, 1900
Cerfs combattant dans la forêt (avers), biches et faons dans un sous-bois (revers)
Georges Gardet
Plaquette, 58 x 95 mm
Bronze, frappe au balancier

10
La danse, 1901
Couples dansant (avers), danseuse faisant la révérence (revers)
François-Rupert Carabin
Médaille, 50 mm
Bronze, frappe au balancier

11
Société des amis de la médaille française fondée le 28 février 1899, 1901
Hommes examinant une médaille (avers), allégorie écrivant sur une tablette (revers)
Alexandre Charpentier
Plaquette, 66 x 72 mm
Bronze, frappe au balancier

12
Les deux âges de la vie, 1901
Minette (avers), Manette (revers)
Ovide Yencesse
Médaille, 60 mm
Bronze, frappe au balancier

13
Voici mes bijoux, 1901
Mère et ses deux enfants (avers), Landau et jouets (revers)
Henry Nocq
Médaille, 52 mm
Bronze, frappe au balancier

14
Solidarité, 1901
Ouvriers dans une forge (avers), femmes dans un intérieur (revers)
Frédéric de Vernon
Plaquette, 75 x 55 mm
Bronze, frappe au balancier

15
Amphitrite, 1902
Nymphe assise sur un dauphin (avers), nymphe se baignant (revers)
Jules Desbois
Médaille, 40 mm
Bronze, frappe au balancier

16
Cléopâtre, 1902
Cléopâtre entourée de symboles égyptiens (avers), Cléopâtre assise à dos d’éléphant (revers)
Emmanuel Frémiet
Plaquette, 66 x 84 mm
Bronze, frappe au balancier

17
La Bretagne, 1902
Bretonne assise dans un intérieur (avers), Calvaire dans un paysage (revers)
Charles Dufresne
Médaille, 55 mm
Bronze, frappe au balancier

18
Institution des jeunes aveugles, 1902
Femmes et enfants assis en extérieur (avers), jeune fille et son chien guide frappant à la porte de l’institution (revers)
Hippolyte Lefèbvre
Plaquette, 68 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

19
La glyptique, 1902
Deux femmes admirant des joyaux (avers), graveur à l’établi (revers)
Georges Dupré
Médaille, 65 mm
Bronze, frappe au balancier

20
Le Printemps, 1903
Couple d’adolescents (avers), jeune fille nue (revers)
Louis Dejean
Médaille, 60 mm
Argent et bronze, Bronze, frappe au balancier

21
L’accalmie, 1903
Deux hommes observant la mer (avers), épave de navire (revers)
Michel Cazin
Plaquette, 65 x 81 mm
Bronze, frappe au balancier

22
Les forgerons, 1903
Ouvriers dans une forge (avers), forgerons martelant des maillons de chaine (revers)
Georges Loiseau-Bailly
Plaquette, 49 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

23
Les jeunes enfants, 1903
Mère et enfant (avers), ronde d’enfants (revers)
Charles Pillet
Plaquette, 53 x 65 mm
Bronze, frappe au balancier

24
Le bain, 1903
Femme nue allant se baigner (avers), femme assise à sa toilette (revers)
Abel Lafleur
Plaquette, 71 x 40 mm
Bronze, frappe au balancier

25
Conservation des forêts, 1904
La nymphe Phylire (avers), le centaure Chiron (revers)
César-Henri Cros
Médaille, 60 mm
Bronze, frappe au balancier

26
La Moisson, 1904
Paysanne dans son champ (avers), paysan conduisant sa charrue (revers)
Jean-Auguste Dampt
Médaille, 60 mm
Bronze, frappe au balancier

27
L’histoire enregistre les découvertes de l’archéologie, 1904
Scène allégorique illustrant une fouille archéologique (avers), Statue antique dans un paysage (revers)
Alphonse-Eugène Lechevrel
Plaquette, 70 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

28
Caresses, 1904
Jeune enfant caressant le visage de sa mère (avers), églantier en fleurs (revers)
Ovide Yencesse
Médaille, 45 mm
Bronze, frappe au balancier

29
Lion terrassant un taureau, 1904
Lion et taureau combattant (avers), Lionne et ses lionceaux (revers)
Victor Peter
Médaille, 65 mm
Bronze, frappe au balancier

30
Le rêve du travailleur, 1905
Vieillard nu assis dans un paysage (avers), vieillard endormi et rêvant (revers)
Jean-Victor Ségoffin
Médaille, 68 mm
Bronze, frappe au balancier

31
La Pierre, 1905
Tailleurs de pierre (avers), Maçons (revers)
Alexandre Charpentier
Plaquette, 74 x 62 mm
Bronze, frappe au balancier

32
Tendres amants, 1905
Jeune couple enlacé dans un champ (avers), partition de musique (revers)
Albert Bartholomé
Plaquette, 80 x 63 mm
Bronze, frappe au balancier

33
Aux poètes sans gloire, 1905
Allégories fleurissant des tombes (avers), Allégorie tenant une lyre et une couronne de laurier (revers)
Louis-Alexandre Bottée
Médaille, 90 mm
Bronze, frappe au balancier

34
Infanterie, 1905
Soldats marchant (avers), soldat agenouillé guettant (revers)
Paul Roger-Bloche
Plaquette, 55 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

35
La joie de vivre, 1906
Homme nu assis (avers), couple assis et enlacé (revers)
Raoul Lamourdedieu
Médaille, 58 mm
Bronze, frappe au balancier

36
Coup de grisou, 1906
Mineurs (avers), explosion dans une mine (revers)
Henri-Léon Gréber
Médaille, 72 mm
Bronze, frappe au balancier

37
Les singes, 1906
Quatre singes assis sur une branche (avers), singe tenant une statuette égyptienne du roi Thot (revers)
Paul Jouve
Plaquette, 48 x 60 mm
Bronze, frappe au balancier

38
Le vent, 1906
Allégorie de la tempête et homme assis courbé (avers), femme dans un paysage luttant contre le vent (revers)
Camille Lefèvre
Médaille, 68 mm
Argent et bronze, frappe au balancier

39
Les deux saisons, 1906
Jeune femme (avers), femme âgée (revers)
René de Saint-Marceaux
Plaquette, 64 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

40
François le rémouleur, 1907
Rémouleur aiguisant un couteau (avers), femme écorchant un lapin (revers)
Ovide Yencesse
Plaquette, 70 x 50 mm
Bronze, frappe au balancier

41
Le goûter, 1907
Mère faisant boire son enfant (avers), enfant regardant des chats se désaltérant (revers)
Geneviève Granger
Plaquette, 50 x 74 mm
Bronze, frappe au balancier

42
Caresses maternelles, 1907
Mère et enfant (avers), deux enfants enlacés (revers)
Albert Marque
Plaquette, 71 x 45 mm
Bronze, frappe au balancier

43
L’art des jardins, 1907
Jardinier ornant un vase d’une plante (avers), arbres dans un parc (revers)
François Roques
Plaquette, 75 x 43 mm
Bronze, frappe au balancier

44
Adolescents, 1907
Homme jeune nu dans un sous-bois (avers), jeunes femmes nues dans un sous-bois (revers)
Louis Dejean
Médaille, 58 mm
Bronze, frappe au balancier

45
L’été, 1908
Femme dans une barque (avers), femme nue dans un sous-bois (revers)
Firmin-Marcelin Michelet
Plaquette, 64 x 43 mm
Bronze, frappe au balancier

46
La musique, 1908
Quintet de musiciens (avers), femme chantant accompagné au piano (revers)
Fernand David
Plaquette, 53 x 75 mm
Bronze, frappe au balancier

47
Le maréchal-ferrant, 1908
Homme forgeant un cher à cheval (avers), hommes ferrant un cheval (revers)
Emile Gaudissart
Plaquette, 50 x 65 mm
Bronze, frappe au balancier

48
Faune et faunesse, 1908
Portrait d’un faune de profil (avers), faunesse jouant de la diaule (revers), 1908
Paul-Léonard Durousseau
Plaquette, 68 x 32 mm
Bronze, frappe au balancier

49
Paysans bretons
Homme assis tenant un bol (avers), femme auprès d’une vache broutant (revers), 1908
Pierre-Charles Lenoir
Plaquette, 60 x 47 mm
Bronze, frappe au balancier

50
Mine et métallurgie, 1909
Femmes travaillant dans une mine (avers), hommes travaillant dans une fonderie (revers)
Corneille-Henri Theunissen
Plaquette, 55 x 75 mm
Bronze, frappe au balancier

51
Le printemps et l’hiver, 1909
Couples marchant dans un sous-bois (avers), femme âgée dans un paysage hivernal
Hippolyte Lefèbvre
Plaquette, 68 x 80 mm
Bronze, frappe au balancier

52
Paysans croates, 1909
Femmes portants des chapelets d’oignons (avers), hommes debout se faisant face (revers)
Robert Frangès-Mihanovic
Plaquette, 60 x 70 mm
Bronze, frappe au balancier

53
Hélène, 1909
Hélène au milieu des ruines de Troie (avers), Statue du dieu Eros dans un paysage antique (revers)
René Grégoire
Plaquette, 90 x 60 mm
Bronze, frappe au balancier

54
Les joyaux, 1909
Femmes se parant de bijoux (avers), femmes regardant des fleurs (revers)
Paul Grandhomme
Médaille, 60 mm
Bronze, frappe au balancier

55
Le tub
Femme à sa toilette (avers), femme se coiffant (revers)
Ovide Yencesse
Plaquette, 65 x 42 mm
Bronze, frappe au balancier

56
Paysannes du Berry, 1910
Femme étendant un linge (avers), femme nourrissant un veau (revers)
Emile-Ernest Nivet
Plaquette, 80 x 45 mm
Bronze, frappe au balancier

57
Types de Biskra, 1910
Barka (avers), Hamed (revers)
Pierre-Charles Lenoir
Plaquette, 60 x 40 mm
Bronze, frappe au balancier

58
Fenaison, 1910
Paysanne debout (avers), paysan marchant (revers)
Firmin-Marcelin Michelet
Plaquette, 72 x 53 mm
Bronze, frappe au balancier

59
Le bain, 1910
Femmes à leur toilette (avers), femmes et enfant dans un jardin (revers)
Fernand David
Plaquette, 70 x 57 mm
Bronze, frappe au balancier

60
Lina, 1919
Femme assise dans un jardin (avers), Putto dansant tenant des masques (revers)
Domenico Trentacoste
Plaquette, 70 x 56 mm
Bronze, frappe au balancier

61
Aux soldats morts pour la patrie, 1920
Deux poilus (avers), femme éplorée (revers)
Pierre-Marie Poisson
Plaquette, 50 x 48 mm
Bronze, frappe au balancier

Le baiser • Auguste Toulmouche

Auguste Toulmouche (1829-1890), cousin par alliance de Claude Monet, le dirigeant dans ses premiers apprentissages à Paris, il est l'un des peintres les plus célèbres du Second Empire.

À ses débuts en 1850, il peint des tableaux de genre inspirés de l'antiquité et rejoint le "Groupe néo-grec". Mais rapidement, il délaisse ce style pour se tourner vers le monde contemporain, influencé par le néo-classicisme de son professeur Charles Gleyre. Il est l'un des premiers peintres à composer des scènes inspirées de la vie bourgeoise du Second Empire : ses toiles représentes les intérieurs de la vie mondaine et d'élégantes jeunes femmes bourgeoises.

Le Balcon (étude) • René-Xavier Prinet

René-Xavier Prinet développe une peinture narrative, qui raconte les moeurs d'une certaine société de la Belle Époque et dont ses oeuvres conservent la sensibilité et le raffinement.

Les enfants Mallet, André et Pascaline • Jacques-Émile Blanche

Né dans une famille aisée de médecins, Jacques-Émile Blanche est venu à la peinture par la collection. Très jeune, grâce aux relations familiales, il rencontre Manet dont il acquiert des œuvres, ainsi que des tableaux de Cézanne et de Monet. En 1880, à l’âge de 19 ans, Jacques-Émile Blanche décide de devenir peintre et prend des leçons auprès d’Henri Gervex, un réaliste moderne.
Ce portrait des enfants Mallet porte l’influence de Thomas Gainsborough et de Joshua Reynolds dans la subtilité de la lumière, la sensibilité de la touche visibles. Jean Cocteau voit dans Blanche « le seul portraitiste qui nous lègue les usages de son époque avec un talent pointu postimpressionniste. »

Les Frémonts • Anonyme

La villa Les Frémonts à Trouville, a été construite en 1869 par l’architecte Jacques Baumier et son fils, pionniers de l’architecture néo normande. Propriété de la famille Finaly, qui l'achètent aux Baignières grâce à l'entremise de Marcel Proust, la villa a servi de modèle à la maison La Raspelière dans "À la recherche du temps perdu", qui y est la propriété balnéaire des Verdurin où le narrateur se rend souvent. Proust a séjourné lui-même aux Frémonts à plusieurs reprises, où a été exécuté son premier portrait par Jacques-Émile Blanche en 1891.

Les peupliers dans la brume • Jean Francis Auburtin

Jean-Francis Auburtin (1866-1930) a toujours étudié avec minutie la structure des arbres et leur mouvement qui le fascinait, et qu'il traduit si bien en stylisant leurs formes pour en faire ressortir la charge poétique.

Lettre manuscrite • Marcel Proust

Marcel Proust séjourne au Grand Hôtel de Cabourg dès son ouverture en 1907, et ce pendant cinq étés où il passe l'essentiel de ses journées à écrire dans sa chambre, passant de son roman cathédrale à son abondante correspondance.

Madame Helleu lisant debout • Paul-César Helleu

Peintre de la femme de la Belle Époque, Paul-César Helleu saisit la féminité et l’élégance des jeunes femmes en fleurs. Alice Guérin, son épouse, est un ses modèles préférés.

Mère et enfant • Paul Leroy

Paul Leroy (1860-1942) commence sa formation en Russie. C’est en 1877 qu’il est admis à l'École des beaux-arts de Paris dans l'atelier d'Alexandre Cabanel. Peintre orientaliste, il est aussi reconnu pour ses écrits.

Montre de Marcel Proust

Datant de 1905, cette montre a appartenu à l'écrivain avant de passer entre les mains de Céleste Albaret, sa gouvernante et confidente de 1913 à 1922. Céleste Albaret (1891-1984) et son époux Odilon Albaret (1881-1960) ont joué un rôle prépondérant dans la vie personnelle de Marcel Proust.
Odilon Albaret est un mécanicien-chauffeur employé par la compagnie de taximètres automobiles Unic, dirigée par l'ami d’enfance de Marcel Proust, Jacques Bizet, et présent à Cabourg, Paris et Monaco. Marcel Proust fait appel à Odilon pour ses déplacements en Normandie depuis Cabourg où il séjourne à partir de 1907.
C’est en 1913 qu’Odilon fait connaitre son épouse, Céleste Albaret, à l'écrivain. Céleste est au service de l'écrivain et se rend indispensable, lui servant aussi bien de gouvernante que de secrétaire et l’aidant dans l’élaboration d’ « À la recherche du temps perdu ».
Par la suite, en 1924, Céleste et Odilon Albaret achètent le fond de commerce d’un hôtel rue des Canettes à Paris. Puis après le décès de son époux, Céleste s’occupe de la maison de Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury.

Petite cabane de douanier • Jean-Francis Auburtin

Surnommé « le symboliste de la mer », Jean-Francis Auburtin s'installe à Varengeville-sur-Mer en 1907, dont le site le fascine et où il est inhumé.
Auburtin y peint une série de tableaux dans la même gorge que fréquentait Claude Monet qu'il admirait beaucoup.

Placard d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs • Marcel Proust

Marcel Proust avait fait produire une édition de luxe d'"À l'ombre des jeunes filles en fleurs", à 51 exemplaires enrichis chacun d'un "placard", collage de fragments de manuscrits. Ce document rarissime provient d'un de ces exemplaires et permet de comprendre le travail de palimpseste de l'écrivain, qui corrigeait sans fin son texte.

Plage • Armand Seguin

Armand Félix Abel Seguin (1869-1903) est un dessinateur et peintre breton.
Peintre impressionniste, il devint tôt adepte du mouvement Nabi au même titre que Paul Gauguin et Maurice Denis de l'école de Pont-Aven, mais son expression graphique reste très personnelle. Ami de Paul Verlaine, Paul Gauguin, Oscar Wilde, Emile Bernard, Paul Sérusier, il vit une vie de bohème, aux quatre coins de la France, poursuivant sa vocation d'artiste dans des conditions très précaires. Il meurt à 35 ans.
On ne trouve aujourd'hui dans le monde que 17 tableaux de Seguin.

Plage de Dieppe • Jacques-Émile Blanche

Jacques-Émile Blanche (1861-1942) aime voyager, notamment à Londres. Amoureux de la Normandie, Blanche fréquente avec ses parents les plages de Dieppe puis séjourne régulièrement sur la côte normande, du côté de Deauville. À partir de 1902, Blanche et son épouse loue les étés un manoir à Offranville, où il exécute une grande partie de son œuvre et où il meurt en 1942. Il a légué de nombreux chefs-d'œuvre au musée des Beaux-arts de Rouen.

Portrait d’André Gide • Jacques-Émile Blanche

Les portraits d'artistes et d'écrivains apportent à Jacques-Émile Blanche la célébrité dès le début de sa carrière. Peintre écrivain, les rapports privilégiés qu'il entretenait avec ses modèles ont favorisé une approche intuitive de leur personnalité, rendue sans aucune complaisance et parfois même avec une certaine cruauté. Son art du portrait, profondément original, est en cela bien éloigné du savoir-faire d'un portraitiste mondain.

Figure tutélaire de la littérature et de l'édition de la Belle Époque, André Gide (1869-1951) fait signer par Gallimard en 1916 un contrat d'exclusivité à Marcel Proust après avoir d'abord refusé son manuscrit "Du côté de chez Swann" en 1913. Normand par sa mère, Gide vécut notamment dans un manoir à de La Roque-Baignard.

Portrait d’Elisabeth Van Biema • Paul César Helleu

Élisabeth Van Biema (1878-1949) née Joseph était la femme de Émile Van Biema, philosophe spécialiste d’Emmanuel Kant et de Gottfried Leibniz.
Helleu (1859-1927) est un des artistes qui synthétisent le mieux l'élégance moderne, tant dans ses peintures que dans ses eaux fortes ou ses pointes sèches. Il représente avec un art indiscutable les gestes de la grâce féminine du 20ème siècle, nous laissant des témoignages inoubliables des années 1900 et de la société décrite par Marcel Proust. Ses effigies mondaines et ses silhouettes féminines sont parmi les plus précieuses images de la Belle Époque. On ne peut qu'admirer la sobriété, le raffinement et l'élégance discrète de ses modèles dessinés, qui ont été souvent comparés par les critiques contemporains aux grâces de Lancret et de Watteau.

Portrait d’une jeune femme sur un canapé • René-Xavier Prinet

Peintre intimiste, Rene-Xavier Prinet s’inscrit dans une peinture mondaine de I’entre deux siècles, à laquelle il apporte la spontanéité et la légèreté d’un geste pictural qui évoque plus qu’il ne dépeint.

Portrait de Fairy • Jean Francis Auburtin

Jean-Francis Auburtin, grand ami de Rodin, est fasciné comme lui par la danse et les danseuses, qu'il fréquente et dont il s'inspire pour une grande série d'œuvres de 1902 à 1920. Pour mieux observer les danseuses qu'il peint dans des tons pastels, Auburtin fréquente les écoles de danse de Loie Fuller, chorégraphe américaine installée à Paris, muse des Symbolistes, puis d'Isidora Duncan à Meudon, autre américaine qui révolutionna la pratique de la danse par un retour au modèle des figures grecques. On sent ici le souvenir de l'enseignement de Puvis de Chavannes, mais Auburtin affirme cependant un style personnel.

Portrait de Jacques Fontane • Jacques-Émile Blanche

Dès ses débuts, Jacques-Émile Blanche (1861-1942) s’est beaucoup intéressé aux figures d’enfants.
Daté de 1918, ce portrait de Jacques Fontane (1908-1990) a dû être peint à Offranville où, depuis 1902, le peintre louait le manoir du Tôt et dans lequel il passait une partie de l’année. Le modèle était âgé de 10 ans et était issu d'une famille de notables. La grand-mère du modèle (Adrienne de Casabianca), amie du peintre, est très certainement la dédicataire de la toile.

Portrait de ma mère • Jean-Pierre Laurens

Ce portrait est celui de Madeleine Villemsens (1848-1913), épouse de Jean-Paul Laurens (1838-1921), alors le plus célèbre artiste d'Yport, en Seine-Maritime, qu'on appelait alors "la cité des peintres". Peintre d'histoire, Jean-Paul Laurens finira président de l'Académie des Beaux-Arts. C'est son fils Jean-Pierre (1875-1932) qui a peint ce tableau de sa mère à Yport.

Portrait de Madame Legendre • Jules Clairin

Georges Jules Clairin, admirateur et ami intime de Sarah Bernhardt, réalisera aussi de nombreux portraits de I’actrice.

Portrait de Madame Lemoine (née Léandre) et ses filles • Charles Léandre

Artiste bohème, caricaturiste, lithographe et illustrateur, Charles Léandre (1862 – 1934) a son atelier à Montmartre, lieu animé de la vie nocturne parisienne où viennent se divertir les bourgeois dans les Music-halls et cabarets tel que le Chat Noir fréquenté par le peintre.
Né à Champsecret (l’Orne), Charles Léandre y séjourne fréquemment. Il s’adonne alors au portrait en choisissant ses modèles parmi les membres de sa famille, à l’image de ce portrait féminin représentant sa sœur Mathilde et ses jeunes nièces Jeanne et Madeleine Lemoine, ses modèles de prédilection.
Le traitement est subtil et rappel sa formation initiale chez son maitre Alexandre Cabanel.

Portrait de Mademoiselle Suzette Lemaire • Jacques-Émile Blanche

Suzette Lemaire (1866-1946), peintre elle-même, est la fille de Madeleine Lemaire, grande organisatrice de fêtes mondaines, une des inspiratrices du personnage de Madame Verdurin dans "À la recherche du temps perdu".

Marcel Proust et Reynaldo Hahn passent notamment des vacances dans la maison des Lemaire à Dieppe l’été 1896, en compagnie de Suzette. Provenant d’une collection privée, ce tableau est présenté pour la première fois dans une exposition publique institutionnelle. Le pastel est sans doute le médium d’excellence de Jacques-Émile Blanche, genre qu’il affectionne dans les années 1880 puis va avoir tendance à abandonner, ce qui rend ce tableau encore plus précieux.

Portrait de Paul Claudel • Jacques-Émile Blanche

N’ayant nul besoin de vendre ses toiles pour vivre, Jacques-Émile Blanche eu la liberté de choisir ses modèles, créant ainsi une galerie visages célèbres, faisant revivre la Belle Époque riche de créations.
« Je ne suis qu’un portraitiste qui raconte ce qu’il voit (…) mes articles, mes études ne sont, à la façon de mes portraits peints, que créations, les paragraphes ou les pages d’une petite histoire de mon temps » témoigne Jacques-Émile Blanche.
Ce portrait est celui de Paul Claudel (1868-1955), dramaturge, poète et diplomate français, membre de l’Académie française ; frère de la sculptrice Camille Claudel.
Écrivain catholique publié aux mêmes éditions de la NRF que Marcel Proust, ce dernier est profondément choqué par « Sodome et Gomorrhe ». Il reproche également à Marcel Proust dans son Journal de « dépein[dre] des actions au ralenti, c[‘est]-à-d[ire] littéralement décomposées, par conséquent faussées. »

Portrait présumé de Anna de Noailles • Madeleine Lemaire

Madeleine Lemaire (1845-1928), salonnière célèbre, est réputée pour la qualité de ses peintures de fleurs. Elle illustre de ses œuvres le premier ouvrage de Proust "Les Plaisirs et les Jours".
Ce portrait présente une jeune femme assise sur un fauteuil dont l’éclat nacré de la peau et du satin de la robe est accentué par le fond, une tenture beige au motif stylisé de fleurs. La pose semble spontanée ; jouant avec son sautoir de perles, le temps est comme suspendu. Le modèle incarne parfaitement la mode féminine de l’époque : un fourreau de satin noir accompagné d’un voile blanc encadrant le décolleté et un ruban rehaussé de plumes noires.

Le visage et le regard perçant du modèle rappellent les traits de la poétesse Anna de Noailles (1876-1933). Agée de 38 ans, elle est alors au fait de sa gloire. La publication, le 26 juin 1913, de son recueil de poèmes « Les vivants et les morts au Mercure de France » signe l’apogée de son succès.
Ce portrait fait partie du dernier envoi de Madeleine Lemaire au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1914, alors âgée de 70 ans.

Poule et enfant dans le champ • Durst

Auguste Durst (1842-1930) a partagé sa vie entre Puteaux et la Normandie. Passionné par la vie et les paysages de la campagne normande, le peintre naturaliste séjourne souvent dans la région de Dieppe dont il ramène de nombreux croquis et études.

Promenades (ou Coup de vent) • René-Xavier Prinet

Marcel Proust écrit en 1891 sa nostalgie de «ces années de mer ou grand-mère et moi, fondus ensemble, nous allions contre le vent en causant», à Cabourg.

Rose Blanche allongée • Jacques-Émile Blanche

Ce portrait est celui de Rose, femme de Jacques Emile Blanche, allongée toute habillée et encapuchonnée sur un lit ou un divan rouge. Rose et Jacques-Émile Blanche séjournent chaque saison de 1896 à 1901 au château de Tout-la-Ville entre Deauville et Pont-L’Évêque, où ils reçoivent le Tout Paris littéraire, politique et artistique. Le peintre Paul Helleu – dont il réalise le portrait de son fils Jean - ou André Gide y séjournent entre autres invités. François Mauriac, à propos de Jacques-Émile Blanche : « Rien ne peut faire que nous n’ayons recours à lui qui a fixé les visages illustres ou charmants de la fin du dernier siècle et de la première moitié de celui-ci, les visages, mais aussi les paysages, les plages et les jardins normands. ».

Sur la digue (ou Coup de vent) • René-Xavier Prinet

La maison de vacances des Prinet, le Double-Six, est située sur la promenade de Cabourg le long de la mer, à quelques mètres du Grand Hôtel de Cabourg. Sur les traces de Boudin qui représente les plages touristiques de Trouville et Deauville vers 1860, mais plus influencé par les impressionnistes, Prinet peint de nombreuses scènes de plage animées à Cabourg.

Un coin du Vieux port, Granville • Gaston Roullet

Gaston Roullet (1847 - 1925) est révélé en 1874 au Salon des artistes français par une aquarelle intitulée "Entrée du port de Dieppe". Il développe le thème normand à cette époque avec notamment des vues de Fécamp, ou ici de Granville.
En 1885, il est nommé peintre de la Marine et des départements des Colonies, et participe aux campagnes militaires coloniales pour exécuter des dessins des paysages et cultures rencontrés dans ces expéditions. Il a par la suite peint de nouveau de nombreuses vues des côtes bretonnes et normandes.

Voiliers au port • Paul César Helleu

Paul César Helleu (1859-1927), artiste qui se lia d'amitié avec Marcel Proust et inspirateur du personnage du peintre Elstir, aime séjourner les étés à Bénerville où il peint en plein air. Influencés par ses amis impressionnistes, ses paysages sont lumineux.
La prédilection d’Helleu pour la mer concerne aussi les bateaux : dès qu’il en a les moyens, il devient le locataire, puis l’heureux propriétaire de quatre yachts successifs. Si son rôle de capitaine à bord est limité, son tempérament de peintre de marines s’épanouit pleinement sur les côtes anglaises et normandes qui lui fournissent des sujets en abondance : voiliers et barques, isolés ou en groupe, pavoisés ou non, en régate ou au port, envahissent l’imaginaire d’Helleu.

Adam • Auguste Rodin

Auguste Rodin (1840-1917) représente la figure de l'artiste par excellence, chantre de la sculpture moderne qui l'a révolutionnée envers et contre tout.

En 1881, Rodin obtient la commande de grandes figures d’Adam et Ève qui doivent rejoindre La "Porte de l’Enfer". Pour Adam, Rodin utilise sans doute une œuvre existante, puisqu’il peut l’exposer dès le Salon de cette même année 1881 sous le titre "La Création de l’homme". Un tel titre aussi bien que la pose de cette figure monumentale révèlent explicitement l’influence des œuvres de Michel-Ange, notamment le célèbre Adam peint au plafond de la Chapelle Sixtine (1508-1512).

Sa musculature très développée, qui suggère une grande puissance physique, contraste avec sa pose, qui évoque un être souffrant ou contraint. Désignant le sol, l’Adam de Rodin semble insister sur son appartenance terrestre.

Antoine Bourdelle • Héraklès

C’est en 1893 qu’Antoine Bourdelle intègre l’atelier de Rodin où il est engagé comme praticien, c'est-à-dire simple exécutant. Il collabore plus de quinze ans avec le maître, participe entre autres à la réalisation des « Bourgeois de Calais » et devient un proche de Rodin. Avant de quitter l’atelier du sculpteur, Bourdelle s’émancipe dès 1905, avec sa première exposition personnelle. La renommée de Bourdelle va s’intensifier et les commandes publiques vont se multiplier.

Le sculpteur pour qui "l'élan est la loi suprême" s'intéressa beaucoup à la figure d'Héraclès archer, symbole de virilité et de bravoure, en faisant poser pour lui le commandant Doyen-Parigot, un athlète accompli. Héraclès, que les Romains nomment Hercule, est le seul humain à se voir accorder l'immortalité parmi les dieux. Le récit des exploits du demi-dieu dans les Douze travaux, constituent un célèbre épisode de la mythologie grecque ainsi qu'une source iconographique majeure de l'art.
Face aux oiseaux du lac de Stymphale s’apprêtant à fondre sur lui, le héros décoche plusieurs flèches empoisonnées du sang de l’hydre et les tue. Cet élan contenu est traduit par Bourdelle : le buste est rejeté en arrière, le geste du bras droit suffit à exprimer l’envoi d’une flèche.

Pendant les trois années d’élaboration du modèle définitif d’Héraklès, Bourdelle réalise huit études préparatoires qui permettent de comprendre le processus de création : réflexions sur le socle et la position, mais aussi une simplification des traits du modèle – une démarche faisant échos avec les recherches de l’artiste sur la synthèse des formes. La version en plâtre à grandeur d’exécution est exposée au Salon de la Société nationale des Beaux-arts en 1910, et le premier acquéreur d’une épreuve en bronze est Gabriel Thomas. La silhouette deviendra célèbre puisque estampillée sur les cahiers d’écoliers de la marque Héraklès.

Antoine Bourdelle • Portrait d’Anatole France, drapé sans draperie sur le devant

Élu à l’Académie Française en 1896 et lauréat du Prix Nobel de littérature en 1921, l’écrivain Anatole France (1844-1924) acquiert une notoriété avec Le crime de Sylvestre Bonnard (1881). Outre la publication de romans historiques (Les dieux ont soif, 1912, Le petit Pierre, 1918), France s'intéresse de plus en plus aux problèmes politiques et décrit de manière très fine les problèmes de son temps (Histoire contemporaine, 1897-1901, L'île des pingouins, 1908). Dans ses œuvres, son ironie et son scepticisme transparaissent.

Anatole France incarne la figure du grand écrivain de l'époque. Figure à la fois amicale et paternelle, France entretient avec le jeune Marcel Proust, qui voit en lui "le Maître illustre et bien aimé", une relation décisive dans sa formation littéraire. La première publication de Marcel Proust, Les plaisirs et les jours (1896) présente une préface d’Anatole France.

France aurait inspiré à Proust certains traits de caractère du personnage de Bergotte, le grand écrivain de la Recherche, dont la célèbre mort survient lors de la contemplation du « petit pan de mur jaune » de Vermeer. On peut également rattaché à ce personnage les écrivains Paul Bourget, Maurice Barrès ou encore Alphonse Daudet.

Claude Monet • Falaise de Fécamp

Lors de l’exposition indépendante rassemblant entre autres Monet, Sisley, Degas, Pissarro, Cézanne, Berthe Morisot et Renoir dans l’atelier prêté par le photographe Nadar le 15 avril 1874, le journaliste Louis Leroy invente, bien malgré lui, le terme « impressionnisme » à l’occasion d’une raillerie face à la toile de Monet « Impression, soleil levant ». Et en effet, l’exposition fait scandale. Les artistes sont accusées de ne donner qu’une « esquisse » dans lesquelles on peut observer les touches et la matière contrairement aux toiles « achevées » de la peinture académique.

Monet devient le chef de file de ce mouvement qui crée une nouvelle façon de peindre : des artistes peignent ce qu’ils ressentent sans se préoccuper des règles académiques. Il s’agit de saisir l’éphémère, de capturer la lumière changeante avec de rapides touches de couleurs apparentes.

Le paysage prend une place importante pour Monet et l’artiste travaille « sur le motif », en plein air, et peint parfois le même motif plusieurs fois. Il trouve en Normandie des sujets parfaits pour développer son style impressionniste, dont la falaise de Fécamp dans ce chef-d'œuvre.

Visiteur de musées et de galeries d’art, c’est chez Durand-Ruel que Proust découvre en avril 1899 l’exposition « Monet, Pissarro, Renoir et Sisley ». Ce que Proust admire dans le génie pionnier de Monet c’est la figure d’un artiste comme il les aime : inventeur d’une nouvelle façon de peindre, créateur d’un nouveau monde.
« Vous parliez des nymphéas : je pense que vous connaissez ceux que Claude Monet a peints. Quel génie ! […] « Ah c’est surement la série dont nous a parlé Elstir, le plus grand des peintres contemporains, s’écria Albertine ». Sodome et Gomorrhe (1921).

Edgar Degas • Danseuse violette

Aujourd’hui considéré comme l’un des grands artistes impressionnistes, Edgar Degas (1834 - 1917) se distingue de ce groupe d’artiste en privilégiant dans son œuvre des scènes d’intérieurs, de la vie mondaine, et plus particulièrement l’univers de la danse en apportant une attention nouvelle aux éclairages artificiels et au mouvement.

Ainsi, à sa manière Degas contribue à la révolution du regard que propose l’impressionnisme mais en grand dessinateur, il reste fidèle aux méthodes traditionnelles d’élaboration du tableau - études d’après le modèle vivant, dessins préparatoires ...

Degas était fasciné par les ballets de l’Opéra Garnier - au Second Empire et sous la Troisième République, l’Opéra et le ballet sont à la mode - et leurs coulisses, qu’il a explorées comme nul autre peintre. La danse est le thème idéal pour accompagner les recherches sur le trait et le mouvement du peintre. « Les danseuses de Degas ne sont pas des danseuses, disait Gauguin. Ce sont des machines en mouvement avec des gracieuses lignes prodigieuses d'équilibre. »

Entre 1880 et 1890, Degas réalise de mémoire des pastels de danseuses et des nus. Après 1892, l’artiste refuse d’exposer mais ses formes et ses couleurs vont être sources d’inspiration pour les jeunes générations du début du XXe siècle, fauves ou cubistes.

Édouard Vuillard • Le jardin à Amfreville

Si Édouard Vuillard s’intéresse d’abord aux natures mortes réalistes et aux intérieurs domestiques, en 1889 il se joint à un groupe d’artiste, les « Nabis » (prophètes en hébreu), regroupant notamment Paul Sérusier, Pierre Bonnard et Maurice Denis. Il s'agit pour ces artistes de se libérer de toutes les conventions académiques et en particulier de la reproduction fidèle de la nature ou de la scène observée.

Son sujet de prédilection est la représentation de scènes d’intérieurs, à l’atmosphère douce. Ses nombreux voyages à partir de 1898-1899 placent le paysage au centre de son travail. À l’aube du XXe siècle, ses œuvres se caractérisent par une recherche nuancée de gammes colorées, d'équilibres entre les clairs et les obscurs, des motifs simplifiés, dans un équilibre entre impressionnisme et naturalisme. Vuillard effectuera de nombreux séjours à Honfleur, Villerville, Amfreville et Cabourg entre 1900 et 1914 - le parc de la maison d'Amfreville (Calvados) l’inspire pour de nombreuses œuvres.

Ensemble de 30 boîtes romantiques

Un art des boîtes se développe en France dès l’époque romantique - succédant à la Philosophie des Lumières du 18e siècle, ce que l’on qualifie de mouvement romantique, prit son essor sous la Restauration (1814-1830) et perdura jusqu’à au Second Empire (1848-1870) -mouvement qui fut une véritable révolution esthétique.

Ces boîtes, spécialement fabriquées à Paris, sont révélatrices d’un certain art de vivre, par lequel la bourgeoisie imite le mode de vie de l’aristocratie. Exposées aux visiteurs, ou conservées dans l’intimité, les boîtes portent parfois une inscription sur le couvercle (thé, chocolat, toilette, visite, crochet …), qui évoque une tâche déterminée ou une occupation spécifique de la classe aisée. Ces objets raffinés témoignent enfin de l’excellence des arts décoratifs français - tabletterie, ébénisterie, marqueterie.

"Parfois aussi on croit entendre un génie captif qui se débat au fond de la docte boîte, ensorcelée et frémissante, comme un diable dans un bénitier", Marcel Proust, Du côté de chez Swann

Étude pour le portrait d’Igor Stravinsky • Jacques-Émile Blanche

Ce portrait représente Igor Stravinsky (1882-1971), le compositeur du « Sacre du Printemps ». Donné à Paris au Théâtre des Champs-Elysées en 1913, ce spectacle fera scandale en raison de sa modernité. Jacques-Émile Blanche était très proche des Ballets Russes, dirigés par Serge Diaghilev et dont Igor Stravinsky composait la musique. Sur un fond neutre, l'artiste dépeint les traits du visage du compositeur de manière saisissante.

Étude pour un portrait de Jean Cocteau • Jacques-Émile Blanche

Autre inspirateur du personnage d’Octave, neveu des Verdurin dans "À la recherche du temps perdu", Jean Cocteau, prodige littéraire aux mille dons, fut un ami très proche de Jacques-Émile Blanche, qu’il visite en Normandie, à Offranville, en 1912.

Blanche a fait d’autres portraits de son ami Cocteau : l’un, en pied et en smoking, est conservé au Musée de Grenoble. L’autre, en tenue champêtre, dans le jardin de la maison de Blanche à Offranville, de l’été 1913, est conservé au Musée des Beaux-arts de Rouen. Jean Cocteau qui poursuivit longtemps une correspondance avec son ami Blanche, même lorsque la vie sépara leurs chemins, lui écrivit un jour : « ne suis-je pas un peu votre fils ? ».
Jean Cocteau est aussi un ami important de Marcel Proust parmi les tout premiers à reconnaître le génie de l’écrivain.

Eugène Boudin • Marée basse (étude)

Peintre de référence pour la génération de la Belle Époque, Eugène Boudin influence considérablement la peinture de paysage, genre autrefois mineur et qui connaît alors un renouveau. Boudin, que Claude Monet considérait comme son maître, préfigure la révolution impressionniste.

Sur les plages Boudin observe la mer toujours semblable et toujours recommencée, le spectacle du ciel dans des tableaux que Charles Baudelaire qualifie de « beautés météorologiques ». Il peint aussi les bateaux, les pêcheurs, et la bourgeoisie qui depuis 1860 goûte aux plaisirs de la naissance du tourisme balnéaire sur la Côte fleurie. Ses œuvres connaissent un grand succès commercial parmi ces estivants.

Boudin peint aussi des paysages où terre, air et mer semblent se confondre, « où la mer entre dans la terre, où la terre est déjà marine », comme écrit Proust. Il annonce en ce sens la figure du peintre Elstir à Balbec, dont les marines qu’admire le narrateur d’"À la recherche du temps perdu" constituent des métaphores visuelles qui transforment la mer en terre, et la terre en mer. Dans sa peinture du port de Carquethuit, Elstir n’utilise « pour la petite ville que des termes marins, et que des termes urbains pour la mer », et « habitue les yeux à ne pas reconnaitre de frontière fixe, de démarcation absolue, entre la terre et l’océan ».

Giovanni Boldini • Portrait de Mme Diaz Albertini

L’artiste italien Giovanni Boldini (1842- 1931) passe une grande partie de sa vie à Paris. En observateur attentif de la haute société qu’il fréquente, le peintre témoigne de l’effervescence de la capitale. Proche de Degas, Boldini est également fasciné par la vie nocturne parisienne qu’il dépeint dans ses scènes de genres. Le peintre devient rapidement inséparable du caricaturiste Sem (1863-1934) et du peintre Paul-César Helleu (1859-1927).

Ce sont les portraits qui vont faire le succès de Boldini. D’une manière très moderne, il immortalise d’un pinceau alerte une clientèle internationale variée – mondains et artistes tels le comte Robert de Montesquiou, Harrison, Sargent, Whistler ou ici, Mme Diaz Albertini, femme d'un célèbre millionnaire cubain du tabac, dirigeant de la Société de la Havane, qui faisait sensation dans le Tout-Paris par la flamboyance de ses tenues. La mode est au centre de ses portraits et les plus belles tenues des couturiers de la Belle Époque sont brossées avec son style unique : une touche rapide et une mise en valeur de la ligne serpentine des corps.

Henri de Toulouse-Lautrec • À Batignolles

Après une formation de peintre d’histoire auprès de Léon Bonnat, Henri Toulouse-Lautrec (1864-1901) est initié au naturalisme par l’artiste Fernand Cormon. Grâce à cet enseignement ouvert aux courants nouveaux, l’élève expérimente des techniques variées avant de se lier aux milieux d’avant-garde.

Loin de la société mondaine, Henri Toulouse-Lautrec préfère les cercles bohèmes. Installé à Montmartre, il fréquente les cabarets, les théâtres et les cafés. Le peintre célèbre l’atmosphère de ces lieux - avec de surprenants cadrages - que ce soit le Moulin Rouge inauguré en 1889 où se produisent la Goulue (1866-1929), Jane Avril (1868-1943) ou encore Yvette Guilbert (1865-1944), le Divan Japonais ou le Chat Noir fondé en 1881.

Comme Degas avant lui, Lautrec est fasciné par le mouvement, de la danse, sur les champs de course ou la vitesse de l’innovation (cyclisme, automobile, autant d’activités populaires à la fin du XIXe siècle). Ainsi, ses portraits révèlent eux aussi un dynamisme dans la composition et la rapide exécution apparente. Le peintre privilégie l’expression, révèle un tempérament.

C’est dans la société de travailleurs qu’il trouve ses modèles comme la couturière Carmin Gaudin, à la chevelure flamboyante et au visage enfantin qui suscite l’admiration et l’enthousiasme de l’artiste. Le célèbre chansonnier Aristide Bruant, pour lequel Lautrec a dessiné des affiches, fut le premier collectionneur de ce tableau.

Jacques-Émile Blanche • Étude pour le portrait en pied de Jean Cocteau

Ce portrait en pied du jeune Jean Cocteau (1889-1963) est réalisé dans le jardin de la maison normande de Jacques-Émile Blanche, à Offranville, où le peintre vécut une grande partie de son temps, jusqu'à sa mort.

Esprit artiste, esthète au tempérament de dandy, Jean Cocteau publia ses premiers poèmes dès 1909 et devint une des figures à la mode du Tout-Paris. Il rencontre Marcel Proust pour la première fois chez Émile Straus, le 18 mars 1910. Malgré une attraction et une influence réciproque, leur amitié souffrit d’une certaine jalousie. Si Cocteau reconnut la dimension de son ami lors de sa disparition, il ne partageait pas la vision du monde de Proust.

Marqué par le Sacre du Printemps (1913) de Stravinski, Cocteau fréquente les artistes d’avant-garde. Il se lie d’amitié avec Picasso, Apollinaire, et collabore avec des musiciens tel Érik Satie (Parade, 1917). Artiste protéiforme, il s’essaie à la poésie d’inspiration futuriste, dadaïste ou cubiste - Le Cap de Bonne Espérance (1919) -, au roman poétique - Le Potomac (1919), Les Enfants terribles (1929) - , au théâtre - Les Mariés de la tour Eiffel (1924), La Machine infernale (1934), Les Monstres sacrés (1940), L’Aigle à deux têtes (1946), Bacchus (1952) – et enfin au cinéma auquel il donne des scénarios marquants, parmi lesquels Le Sang d’un poète (1930), La Belle et la Bête (1945), Les Parents terribles (1949), Orphée (1950) ou encore Le Testament d’Orphée (1960).

Génial « touche-à-tout », ce créateur que son originalité empêche d’enfermer dans une mouvance littéraire ou artistique, est également dessinateur et peintre.

Jacques-Émile Blanche • Portrait de Claude Debussy

Musicien célébré, Claude Debussy (1862-1918) séjourne en Normandie l’été, notamment à Houlgate. Son opéra « Pelléas et Mélisande » (1902) est cité plusieurs fois dans « Sodome et Gomorrhe », quatrième volet de « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust.

La musique prend une place importante dans la vie et l’œuvre de Marcel Proust : « Je me demandais si la Musique n’était pas l’exemple unique de ce qu’aurait pu être - s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées - la communication des âmes. » La Prisonnière (1923).

À une époque où commence l’expérimentation des premiers enregistrement sonores, Proust fréquente l’Opéra et les salons mondains où l’on donne de la musique. Ses écrits nous informent sur ces goûts : il admire aussi bien les œuvres du passé (Bach, Beethoven, Gluck, Schumann etc.) que de son époque (Debussy, Saint-Saëns, Wagner – le compositeur le plus cité dans la Recherche - , Fauré, Ravel, César Franck, Massenet etc.).

Du début à la fin, la Recherche est hantée par une « petite phrase » musicale, une mélodie écrite par le musicien fictif Georges Vinteuil. Cette sonate pour piano et violon est surtout attachée au personnage de Charles Swann, profondément associée à ses amours tumultueuses avec Odette de Crécy, une demi-mondaine qu'il épousera.
« Mais à un moment donné, sans pouvoir nettement distinguer un contour, donner un nom à ce qui lui plaisait, charmé tout d’un coup, il avait cherché à recueillir la phrase ou l’harmonie - il ne savait lui-même - qui passait et qui lui avait ouvert plus largement l’âme, comme certaines odeurs de roses circulant dans l’air humide du soir ont la propriété de dilater nos narines. » Du côté de chez Swann (1913).

John Singer Sargent • Portrait de Jacques-Émile Blanche

Américain qui vécut l'essentiel de sa vie en Europe (né à Florence, il étudie en Italie puis en Allemagne avant de s’installer en France), John Singer Sargent se forme à l’École des Beaux-Arts de Paris, où il se lie d’amitié avec Paul-César Helleu.

Dans l’atelier de Carolus-Duran, portraitiste et professeur réputé, Sargent suivit les enseignements de l’artiste qui encourageait ses étudiants à se libérer de la « rigidité » académique grâce à la méthode alla prima consistant à travailler directement sur la toile avec un pinceau chargé – technique permettant une grande expressivité.

Lors de ses voyages en Europe, Sargent réalise des études sur le vif, des paysages et des scènes de genre mais l’artiste compris rapidement que ce sont les portraits qui lui permettront de trouver une clientèle.

Les rencontres s’enchainent et le peintre mondain fréquente de nombreux artistes, comme Edgar Degas, Claude Monet, Auguste Rodin ou bien James Whistler. Jacques-Émile Blanche figure parmi ses premières amitiés, comme en témoigne la date de ce tableau et surtout, la dédicace ≪ À mon ami Blanche ≫.

L’éternel printemps (réduction n°3) • Auguste Rodin

L’Éternel printemps d’Auguste Rodin (1840-1917) célèbre l’Amour et le Printemps. Exposée au Salon de 1897, l'œuvre est l’une des sculptures les plus acclamées de Rodin et l’un de ses grands succès commerciaux. Conçu en 1884, ce groupe fut exécuté plusieurs fois en bronze et en marbre, et de dimensions différentes.

Cette œuvre représente deux jeunes amants échangeant un baiser passionné. Sur une base rugueuse, la figure féminine est agenouillée, ses jambes occupant la plus grande partie des fondations. Les corps s’entrelacent, dans un exercice d’équilibre, grâce à une combinaison de courbes et de contre-courbes. Variante de l’œuvre "Le Baiser" des années 1890, elle est probablement un écho de la relation passionnelle entre l’artiste et Camille Claudel, qui débute en 1883.

Marcel Proust adorait le livre de Frantz Jourdain, "Propos d'un isolé" (1914), qui débute par cette citation de Rodin : «Je sais bien qu’il faut lutter, car on est souvent en opposition avec l’esprit de son époque».

Louis-Alexandre Dubourg • Marins

Peintre, professeur de dessin et premier conservateur du musée municipal d’Honfleur, Dubourg est né et mort à Honfleur.
C'est avec les paysages maritimes et les scènes de la vie quotidienne qu'il s'impose et trouve son inspiration, offrant une palette picturale variée. Eugène Boudin (1821-1891) et Claude Monet (1840-1926) ont eu une influence significative sur sa peinture.

Machine à écrire Monarch

À l’été 1911, lors d’un long séjour à Cabourg, Marcel Proust demande à la sténodactylographe du Grand-Hôtel, Coecilia Hayward, d’origine anglaise, la rédaction du tapuscrit d’une partie de son roman. Sous la
supervision d’Albert Nahmias, secrétaire de Marcel Proust, elle travaille sur sa machine à écrire l’été à Cabourg puis l’automne à Paris. Ensuite, l’écrivain multiplie sans fin les corrections sur son tapuscrit, comme sur ses manuscrits.

Marie Bracquemond • Petit paysage avec maison

Marie Bracquemond, née Quivoron, est l’une des rares figures féminines de l’impressionnisme avec Berthe Morisot et Mary Cassatt, mais longtemps éclipsée par son mari, le peintre Félix Bracquemond.

Marie Bracquemond débute sa carrière dans un style proche d'Ingres. Élève de ce dernier, elle constate que l’artiste a « peu d’estime pour les femmes artistes […]. Parce qu’il doutait du courage et de la persévérance des femmes dans le domaine de la peinture […] il ne leur confiait que des peintures de fleurs, de fruits, des natures mortes, portraits ou scènes de genre ».

C’est lorsque que Marie travaille au Louvre qu’elle fait la connaissance du peintre Auguste Joseph Bracquemond, dit Félix Bracquemond (1833-1914), graveur réputé dans les milieux d’avant-garde. Ils se marient en 1869 et l’année suivante nait leur fils unique, Pierre. Félix et Marie fréquentent de nombreux peintres, parmi lesquels Claude Monet, Edgar Degas, Édouard Manet, Henri Fantin-Latour, Auguste Rodin, Paul Gauguin ou encore Alfred Sisley.

Progressivement, Marie se détache de l’influence d’Ingres et son style change. Inspirée en particulier par les peintres Alfred Stevens, Claude Monet et Edgar Degas, elle intensifie ses couleurs, travaille sur la clarté et les variations de tons, et se met à peindre en extérieur, particulièrement dans son jardin de Sèvres.
À partir des années 1890, Marie Bracquemond cesse de produire, peut-être à cause d’une santé fragile ou par découragement des critiques incessantes de son époux pour son œuvre.

Marine • Paul César Helleu

Son admiration pour les impressionnistes avec qui il se lie d’amitié entraine Paul César Helleu en Normandie où il dépeint la mondanité des stations balnéaires, l’art de vivre du yachting et les paysages marins aux multiples variations atmosphériques qu’il saisit sur le motif, en plein air. Ses qualités de coloriste se perçoivent dans cette œuvre grâce à sa palette douce composée de blancs, de bleus et de mauves qui font se confondre le ciel et la mer.
Ami de Marcel Proust qu’il rencontre à Paris vers 1895 et qu’il retrouve sur la Côte Fleurie, il partage avec l’écrivain le goût à la fois pour la subtile lumière marine et pour les élégances féminines en villégiature que chacun retranscrit dans son œuvre.

Mère et enfant • Henry Caro-Delvaille

Mouvement de danse 1 • Auguste Rodin

Paravent à six feuilles

Ce paravent réalisé à partir de papiers peints de la manufacture parisienne de Jules Desfossé imitant le laque oriental (motifs d'escaliers, de pagodes, nombreux personnages pêchant ou occupés à la cérémonie du thé) est le "jumeau" du paravent de celui qui se trouvait dans la chambre de Marcel Proust, aujourd’hui conservé au musée Carnavalet (Paris).

Paul-César Helleu • Alice lisant sur la plage de Deauville

D'origine bretonne, Helleu préfère passer ses étés en famille en Normandie dans une atmosphère élégante et huppée sans équivalent. Il séjourne régulièrement à Deauville et dans ses environs, à Trouville, Dieppe ou encore Bénerville, où il réside en 1886 chez ses beaux-parents, à la villa Saint-Augustin.

Helleu puise ses sujets dans sa vie familiale : son épouse, Alice, et ses enfants, Ellen, Jean, Alice et Paulette sont ses modèles favoris. Sa femme est son modèle de prédilection. Vêtue de robes de grands couturiers, elle incarne la silhouette élégante de la Parisienne. Il aime également représenter Alice assise sur une plage normande, absorbée dans sa lecture. L’influence d’Edgar Degas transparaît dans les cadrages resserrés, presque photographique. Comme lui, Helleu s’inspire de l’art japonais et abandonne la profondeur en utilisant l’ombrelle comme un arrière-plan sombre sur lequel se découpe la figure.

Paul-César Helleu • La comtesse Anna de Noailles

Helleu est un des artistes qui synthétisent le mieux l'élégance moderne, tant dans ses peintures que dans ses eaux fortes ou ses pointes sèches. Il représente avec un art indiscutable les gestes de la grâce féminine du XXème siècle, nous laissant des témoignages inoubliables des années 1900.

Helleu se fit une spécialité du portrait gravé à la pointe-sèche, technique qui n’autorise aucune reprise car l’incision est définitive. C’est une technique de gravure en creux : la plaque de cuivre (ou de zinc) est incisée par une pointe d’acier. La pointe qu’utilise l’artiste est en diamant (offerte par James Tissot), pointe permettant l’obtention de traits fins et minutieux. Ce procédé de gravure est celui qui est le plus proche du geste du dessinateur devant la feuille de papier. La rapidité du trait, la délicatesse des modelés et la maitrise des tailles pour le rendu des cheveux se trouvent dans ce portrait d'Anna de Noailles (1876-1933) une poétesse, grande amie de Marcel Proust qu'elle rencontre en 1893.

C’est toute la société artistique et aristocratique qu’Helleu immortalise dans ses pointes sèches : Whistler, Edmond de Goncourt, Anna de Noailles, Robert de Montesquiou et même Marcel Proust, portrait réalisé qu’au lit de mort de Proust en 1922.

Paul-César Helleu • Rouen, brume au soleil levant sur la Seine

Admis à l’École des beaux-arts en 1877, Paul-César Helleu délaisse rapidement les études académiques pour se former de manière autodidacte auprès de ses modèles et amis Whistler, Monet, Sargent, Boldini... Séduit par le courant impressionniste, il utilise des couleurs claires, appliquées par petites touches et choisit des sujets comme la figure dans un paysage, les effets atmosphériques et les jeux de la lumière sur l’eau.

Outre des portraits, il peint tout au long de sa vie des paysages et de nombreuses marines qu’il compose depuis la plage, un quai ou le pont de son voilier. Éternellement insatisfait par ses tableaux, dont il détruit plusieurs exemplaires, Helleu reste un peintre méconnu, éclipsé par son talent de graveur.

Travaillées d’une touche enlevée dans des teintes claires, cette œuvre traduit bien l’influence de Monet - une série de lettres adressées par Monet à Helleu entre 1887 et 1925 témoigne de l’amitié durable des deux artistes.

Jacques-Émile Blanche disait de son ami Helleu : "Qu'on en pense ce qu'on veuille, il est de la phalange des impressionnistes (…) Ces silhouettes blanches à parasol de madame Helleu, ont plus de finesse, des rapports de tons plus rares, plus distingués que maintes peintures de Monet, de Sisley, et du très inégal Pissaro" (L'Art vivant, décembre 1931).

Paul-César Helleu • Scène de plage

Paul César Helleu aime séjourner les étés à Bénerville où il peint en plein air. Influencés par ses amis impressionnistes, ses paysages sont lumineux. La prédilection d’Helleu pour la mer concerne aussi les bateaux : dès qu’il en a les moyens, il devient le locataire, puis l’heureux propriétaire de quatre yachts successifs. Si son rôle de capitaine à bord est limité, son tempérament de peintre de marines s’épanouit pleinement sur les côtes anglaises et normandes qui lui fournissent des sujets en abondance : voiliers et barques, isolés ou en groupe, pavoisés ou non, en régate ou au port, envahissent l’imaginaire d’Helleu.

L’artiste qui se lia d'amitié avec Marcel Proust fut l’un des inspirateurs du personnage du peintre Elstir, le peintre d’À l'ombre des jeunes filles en fleurs (1919) : "ce qu’il avait dans son atelier, ce n’était guère que des marines prises ici, à Balbec. Mais j’y pouvais discerner que le charme de chacune consistait en une sorte de métamorphose des choses représentées, analogue à celle qu’en poésie on nomme métaphore".

Portrait de Madame Lebreton • Eugen Von Blaas

Eugen Von Blaas (1843-1932) excelle dans la représentation du charme discret de la bourgeoisie, peignant surtout des femmes du monde avec élégance et raffinement.

Maria Lebreton est la fille d'Andrea Antonini, un richissime industriel vénitien à la tête du Canapificio Veneto depuis 1889, mécène et amateur d’art. Maria joua un rôle actif dans la famille et dans l’entreprise familiale. En 1908, elle épouse l'avocat Alberto Lebreton qui reprit les rênes de l'entreprise suite à la longue maladie de son beau-père. Ce portrait est commandé par son père à l'occasion de ses noces.

Le tableau a été exposé à la Biennale de Venise en 1909 témoignant de la mode et du prestige du genre du portrait peint à cette époque. Représentée dans une robe de soirée en satin noir, portant un chapeau à plumes et de somptueux bijoux, la silhouette de Maria Lebreton se détache du fond neutre. L'étole en tulle, drapée avec désinvolture sur ses bras, et l’éventail suggèrent qu'elle ne s'est arrêtée que momentanément pour permettre à l'artiste et à son public d'apprécier sa beauté et son élégance.

Portrait de Madame Simone • Henry Caro-Delvaille

Henry Caro-Delvaille (1876-1928), peintre mondain de portraits et de scènes de genre, connut un grand succès public et critique dans la France de 1900 à 1914, et eut un retentissement international en s’installant à New York pendant la guerre.

Il est un de ces portraitistes qui incarnent la transition esthétique caractéristique de l’entre-deux-siècles. Il immortalise dans ses tableaux, à leur demande, ses clients de la bourgeoisie de la Belle Époque.
Le portrait de « Madame Simone » est celui d’une comédienne et écrivaine. Pauline Benda (1877-1985), alias Madame Simone, est l’actrice qui succède à Sarah Bernhardt dans la pièce « L’Aiglon » d’Edmond Rostand. Égérie d’Henry Bernstein, elle est l’amie du Tout-Paris culturel dont Maurice Barrès (1862-1923), Anna de Noailles (1876-1933). De Marcel Proust qu’elle aime beaucoup, elle avoue qu’elle « ne pensait pas qu’il avait du génie ».

Portrait de Maurice Barrès • Jacques-Émile Blanche

Écrivain parmi les plus célèbre de son temps, et homme politique marqué par une idéologie nationaliste radicale, Maurice Barrès (1862-1923) exerce une influence intellectuelle considérable sur la génération d’artistes et d’intellectuels de la Belle Époque. Son œuvre littéraire est importante, et la trilogie "Le Culte du Moi" compte parmi ses chefs-d’œuvre.

Ce tableau est un des trois portraits de Barrès exécutés par Jacques-Émile Blanche qui était très lié avec l’écrivain. « L’événement capital de ma jeunesse aura été ma rencontre avec Maurice Barrès » se souvient le peintre. Dandy et séducteur, personnalité complexe, au style éloquent parsemé de mots lestes, Barrès a peu d’amis et précisément Blanche en fut un, sa vie entière.

Marcel Proust admire longtemps l'homme de lettres iconique, mais Barrès, antisémite et nationaliste, moque "le petit Proust, avec sa tête en rahat-loukoum" pendant l’Affaire Dreyfus.

Portrait de Paul Helleu • John Sargent

Ce portrait est emblématique du jeune dandy qu'est alors Paul César Helleu (1859-1927) en tout début de carrière artistique, soutenu par John Singer Sargent, ami et mécène.
Helleu se liera vite d'amitié avec Marcel Proust, rencontré chez Madeleine Lemaire. Inspirateur du personnage proustien du peintre Elstir qui a son atelier à Balbec, Helleu et sa famille passent leurs étés dans la Villa Saint-Augustin à Bénerville.

Proust 2015 • Adel Adbessemed

Artiste basé à Paris d’origine algérienne, Adel Abdessemed est l’auteur d’une œuvre pluridisciplinaire (sculpture, dessin au fusain, vidéo, installation) qui éveille les consciences et témoigne de la violence du monde.
Dans cette œuvre hommage au style empreint de sobriété, il choisit un médium plus traditionnel, la lithographie, pour produire un portrait mortuaire de Marcel Proust directement inspiré de la photographie prise par Man Ray et de la gravure exécutée par Paul César Helleu. Cette œuvre interroge la postérité de l’écrivain, relativement inconnu au moment de sa mort, et qui, un siècle plus tard, est devenu un monument de la littérature mondiale et inspire les artistes contemporains.

René-François-Xavier Prinet • La plage de Cabourg

René Xavier Prinet est issu d’un milieu favorisé : son père Henry Prinet, d’abord magistrat à Paris, puis procureur impérial et juge d’instruction, pratique la peinture en amateur, et sa mère, Fanny Mabile, est une descendante du peintre François-Hubert Drouais (1727-1775).
La maison de vacances des Prinet, la villa Double-Six, est située sur la promenade de Cabourg le long de la mer, à quelques mètres du Grand Hôtel. À Cabourg, Prinet observe et croque la société de la Belle Époque en villégiature, ses femmes élégantes protégées par leurs ombrelles, ses cavaliers sur la plage.

En regardant les dessins de Prinet, on comprend mieux la fabrique de ses tableaux. Il exécute d’abord des esquisses sur la plage, quasi documentaires, puis peint par la suite ses œuvres finales dans ses ateliers de Paris ou de Bourbonne-les-Bains, avant de les exposer à la galerie Georges Petit. Influencé par les impressionnistes, ses personnages ont des traits assez indéfinis pour devenir universels.

René-Xavier Prinet est sans doute, avec Jacques-Émile Blanche, l’autre grand peintre « proustien », en ce sens qu’ils ont tous deux tenté de faire en peinture ce que Proust a réussi en littérature : transcender un monde perdu par la naissance d’un style. « Dessinateur très sûr, successeur de Fantin-Latour dans un certain genre de portraits d’intimité familiale, il représente ce qu’on a appelé la mesure française », écrivait Blanche à propos de Prinet.

Thomas-Alexander Harrison • Marine, la nuit

Lorsqu’en 1863 le chemin de fer relie Paris à Quimper, la Bretagne devient rapidement une destination privilégiée des peintres. Thomas Alexander Harrison (né à Philadelphie en 1853, arrivé à Paris en 1879 et considéré comme le chef de file des peintres américains de France), ne tarde pas à suivre le mouvement. Il séjourne d’abord à Pont-Aven « la cité des peintes », à Concarneau puis il découvre le village de Beg-Meil. Spécialisé dans les marines, Harrison est un artiste de plein air passionné par les études de lumière sur la mer et les crépuscules.

Pour cette marine, l’artiste choisit la lumière nocturne pour évoquer les infinies nuances de la mer et du ciel.

Autre modèle d'Elstir, Harrison fut proche du jeune Marcel Proust, qu’il rencontre lors d’un séjour en Bretagne. C’est à la fin de septembre 1895 que Marcel Proust et le musicien Reynaldo Hahn font un long séjour à Beg-Meil. Les paysages envoutent les deux amis. Dans une lettre à Federico de Madrazo, Hahn écrit qu’il n’a « jamais rien vu d’approchant un peu les couchers de soleil que nous contemplons tous les soirs. Nous avons eu successivement la mer rouge sang, violette, nacrée d’argent, d’or, blanche, vert émeraude, et hier nous avons pu voir, éblouis, grâce au généreux soleil, la mer entièrement rose, couverte de voiles bleues ».

Yan Pei-Ming • Portrait de Marcel Proust

Né à Shanghai en 1960, Yan Pei-Ming arrive à Dijon en 1980 à l'âge de 20 ans. L’artiste devient célèbre par ses portraits de Mao Zedong. Provocateur, cherchant « à créer de l’étonnement », l’artiste réalise les portraits de grandes personnalités du monde contemporain (le Pape, Obama, Bruce Lee, Michael Jackson) et met en évidence la gravité humaine en s’attaquant aux faits divers et aux guerres. L’artiste réalise ses grands formats avec une touche pleine de vivacité - entrecroisée, superposée - et une palette monochrome, le noir et le blanc étant « l’ombre et la lumière ».

Alors que Jacques-Émile Blanche (1861-1941) a peint Marcel Proust en jeune homme mondain en 1892, Yan Pei-Ming s'attache dans ce portrait à capter l'esprit de Proust devenu écrivain, vers 1907, à l'époque où il débute la rédaction d'À la recherche du temps perdu à Cabourg.

La Seine à Vernon • Pierre Bonnard

Pierre Bonnard, tout comme Edouard Vuillard, appartient au groupe des Nabis, artistes influencés tant par l’héritage impressionniste et que par les arts extra-européens et dont la peinture se caractérise par des couleurs vives apposées en aplat, un cerne important autour des figures et des cadrages non académiques.

En 1911, Pierre Bonnard acquiert une maison à Vernon, où il va séjourner jusqu’en 1936. Ce sera l’occasion pour lui de multiplier les vues de la Seine. "La Seine à Vernon" illustre le goût de Pierre Bonnard pour une composition foisonnante de couleurs, où la nature exubérante du jardin est mise en valeur. Le large point de vue, qui laisse deviner les courbes du fleuve en arrière-plan, permet à Pierre Bonnard de déployer son talent de coloriste : les couleurs oranges et vertes dialoguent avec le rose du ciel, donnant un aspect apaisant à cette vue crépusculaire. Pendant ses années vernonnaises, Pierre Bonnard fréquente assidûment Claude Monet (1840-1926) qui l’inspire considérablement.

Jean Helleu, enfant, à sa table de travail • Paul Helleu

Helleu adopte les techniques du XVIIIe siècle, âge d’or du pastel et du dessin aux trois crayons, cher à Jean-Antoine Watteau. Dès 1885, les pastels du jeune artiste rencontrent un grand succès. Il emprunte à ses amis Blanche et Boldini leur savoir-faire et acquiert la maitrise du grand format sur papier ou sur toile. Helleu dessine inlassablement, de rapides croquis pour fixer l’attitude de ses enfants : son épouse Alice et ses enfants, Ellen, Jean et Paulette sont ses modèles favoris.

Né en 1894, Jean est le deuxième enfant du couple Helleu. Souvent présenté comme un jeune dessinateur appliqué, il porte fréquemment l’habit de marin à la mode, qui rappelle le goût de la famille Helleu pour le yachting. Durant la première partie de sa carrière, il met son talent artistique au service de la mode et du luxe, comme publiciste. Il pratique la voile et de 1945 à 1947, et devient Peintre officiel de la Marine.

À la divette, Cabourg, le bord de la rivière • Édouard Vuillard

Pendant près de quinze ans, Édouard Vuillard profite de doux étés sur la côte normande, accompagné de ses amis de la bourgeoisie parisienne.
Entouré de ses proches, il passe des journées entières sous les arbres, pour lire ou discuter, tout en profitant de la beauté de la côte fleurie. Édouard Vuillard passe ainsi de nombreux séjours à Cabourg, où il aime flâner près de la rivière de la Divette. Son souhait est dès lors de conserver des souvenirs de ces instants. Il passe alors par la photographie, art qui le passionne, mais aussi par la peinture. Ces deux arts captent l’essence de ces moments, lui permettent de les conserver en mémoire et de lui redonner les sensations qu’il pensait oubliées. Aussi, les œuvres du peintre permettent de réaliser que les lieux de villégiature qu’il chérit ne sont en fait que le miroir des mœurs parisiennes de la Belle Époque.

Annette sur la plage de Villerville • Édouard Vuillard

Membre fondateur du mouvement nabi (mouvement postimpressionniste de la fin du XIXe), Édouard Vuillard s’illustre particulièrement dans l’art du portrait, dans les natures mortes mais aussi et surtout dans la représentation de scènes intimistes, des scènes dites de genre. Édouard Vuillard réalise avec succès le mélange subtil des couleurs et une atmosphère douce se dégage de ses œuvres, particulièrement dans les scènes de vie.

De l’été 1901 à l’été 1914, l’artiste rejoint ses amis Lucie et Jos Hessel en voyage sur la côte normande, de Cabourg à Amfreville, en passant par Villerville. La villégiature normande se retrouve dès lors dans ses œuvres ; témoignages spontanés de l’atmosphère si particulière de ses séjours dans la région. Ces séjours, loin d’être une rupture estivale, sont en réalité une translation balnéaire des mœurs parisiennes. Ses peintures captant des moments de vie reflètent la douceur de ces instants. Il ne fera d’ailleurs jamais poser ses modèles : « ne bougez plus, restez comme ça ! » disait-il. Annette est sa nièce, fille de sa sœur Marie et d’un autre peintre nabi, Ker Xavier Roussel (1867-1944). L’enfant, née en 1899, servira souvent de modèle à son oncle, qui lui restera toujours très attaché.

Coup de vent à Trouville • Denis Etcheverry

En Normandie, sur les traces d’Eugène Boudin, les peintres observent et croquent la société mondaine sur les plages touristiques de Trouville et Deauville.
Denis Etcheverry capture ici ce nouvel art de vivre que représentent les vacances à la mer, les plages deviennent le théâtre de la liberté des corps et des loisirs. Cette scène de plage restitue le temps d’une image fixe le mouvement de l’air, renversant les parasols et bouleversant la tranquillité des villégiateurs. Ce vent est également subi par les artistes qui au cours du XIXe siècle quittent l’atelier pour travailler en plein air, sur le motif.

Elégante V • Antonio de La Gandara

Dans l’histoire de la peinture de la Belle Époque, Antonio de La Gandara est installé comme peintre mondain puisqu’il a immortalisé les plus grands personnages de cette époque : Sarah Bernhart, Liane de Pougy, la comtesse de Noailles ou l’Infante Eulalie. Ses portraits demeurent des documents précieux de la femme de 1900. Admirateur des toilettes féminines, Antonio de La Gandara devint président de l’Association des Peintres costumiers de la mode créée pour soutenir la profession.

Étude pour le portrait de Bourdelle • Jacques-Émile Blanche

Antoine Bourdelle étudie la sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Toulouse puis à l’École des Beaux-Arts à Paris. Il rejoint l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) comme praticien pour tailler les marbres en 1893. Il est alors certainement le disciple le plus proche de son maître et les deux hommes sont liés par une mutuelle admiration. Mais, à partir de 1905, Antoine Bourdelle rompt avec cette esthétique et rejoint le courant de la simplification formelle, avec d'autres jeunes sculpteurs, dont Aristide Maillol.

Femme au bijou I • Antonio de La Gandara

Antonio de la Gandara est né à Paris d’une mère anglaise et d’un père espagnol en provenance du Mexique. Élève d’Alexandre Cabanel (1823 1889) lors de son passage à l’École nationale supérieure des beaux arts de Paris, il devient dès le début du XXe siècle, un peintre recherché en Europe comme aux États-Unis. Surnommé le « peintre gentilhomme », il côtoie écrivains, musiciens et peintres de son temps.

Il participe au Chat noir, célèbre cabaret de Montmartre à Paris, et fréquente les mêmes cercles que Marcel Proust : il se rend dans les salons de Mmes Aubernon et Lemaire, de la baronne de Rothschild, du comte de Montesquiou ou de la comtesse Greffulhe. Mélomane, il fait la connaissance de Debussy, Saint Saëns et Satie. Preuve de sa grande admiration, dans son premier roman inachevé Jean Santeuil (1895), Marcel Proust attribue par une licence romanesque à Antonio de La Gandara le portrait peint qu’a fait de lui Jacques-Émile Blanche en 1892 (conservé au musée d’Orsay).

Femme et chien sur la plage • Louise Abbéma

Louise Abbéma est née dans une famille aristocratique aisée proche du milieu artistique parisien. Elle obtient son premier succès à 23 ans en réalisant un "Portrait de Sarah Bernhardt" (1876). Elle devient une figure artistique de la vie mondaine parisienne en fréquentant la haute société et la bourgeoisie, qui lui procurent des commandes comme le plafond Parfums pour Guerlain présenté en 1896. Figure emblématique de son époque, elle brilla aussi bien dans les salons mondains qu’au Salon des artistes, et jusqu’à l’exposition universelle de Chicago en 1893. En 1906, sa notoriété est telle qu’elle reçoit la légion d’honneur – elle est la troisième femme peintre après Rosa Bonheur et Virginie Demont-Breton.

La réalisation de ce portrait coïncide avec les premiers séjours de l’artiste aux Petites-Dalles, station balnéaire près de Fécamp, où elle croise entre autres Claude Monet. De ses séjours là-bas, elle tire des marines, où l’on sent fortement l’influence impressionniste.

Femme sur la plage • Ernest-Ange Duez

Dès 1877, le peintre Ernest Ange Duez s’installe à Villerville, petit village de pêcheurs situé entre Trouville et Honfleur. Il y travaille avec ses condisciples des Beaux-Arts, (Jourdain, d’Antan...), et s’est construit un atelier vitré pour peindre ses modèles à la lumière du jour. Dorénavant, ses sujets reflètent son attachement à cette région et il choisit souvent sa femme et sa famille comme modèles avec les environs normands comme le bord de mer en toile de fond.

L’heure du thé • Henri Caro-Delvaille

Formé à Bayonne par Achille Zo (1826-1901) puis à Paris par Léon Bonnat (1833-1922), Henry Caro-Delvaille connaît un immense succès en France ainsi qu’aux États-Unis où il s’installe en 1916. L’Heure du thé témoigne de son talent à décrire une ambiance à la fois intime et mondaine, avec une touche large et suggestive. La jeune femme assise à gauche est l’épouse de l’artiste, que ce dernier prend souvent pour modèle.

Le Massif • Édouard Vuillard

Si Édouard Vuillard s’intéresse d’abord aux natures mortes réalistes et aux intérieurs domestiques, en 1889 il se joint à un groupe d’artistes, les « Nabis » (prophètes en hébreu), regroupant notamment Paul Sérusier (1864-1927), Pierre Bonnard (1867-1947) et Maurice Denis (1870-1943). Il s’agit pour ces artistes de se libérer de toutes les conventions académiques et en particulier de la reproduction fidèle de la nature ou de la scène observée.
Lors des séjours d’Édouard Vuillard au « Château Rouge », propriété de son ami galeriste Jos Hessel, le peintre retrouve des personnalités du monde des arts tels que Tristan Bernard, Pierre Bonnard et Marcel Proust. Ce dernier s’inspira de ses conversations avec Édouard Vuillard pour le personnage d’Elstir, figure du peintre idéal, dans son roman À la recherche du temps perdu, publié de 1913 à 1927 en sept tomes.

Le questionnaire de Marcel Proust

Le questionnaire de Proust est un test de personnalité devenu célèbre par les réponses que Marcel Proust y a apporté. Il y a répondu pour la première fois lors de son séjour chez Antoinette Faure à Dieppe.

1. Quelle est la couleur que vous préférez ?
Réponse de Marcel Proust : Celle des yeux de la personne que j'aime.

2. Quelle est votre odeur favorite ?
Réponse de Marcel Proust : Celle des joues de la personne que j'aime.

3. Quelle fleur trouvez-vous la plus belle ?
Réponse de Marcel Proust : Celle dont parle un charmant poète ou que cueille une jolie main.

4. Quel animal vous est le plus sympathique ?
Réponse de Marcel Proust : L'homme.

5. Quelle couleur d'yeux et de cheveux préférez-vous ?
Réponse de Marcel Proust : On aime toujours mieux le plat qu'on mange.

6. Quelle est, selon vous, la plus estimable vertu ?
Réponse de Marcel Proust : La sincérité; si je deviens flatteur je changerai d'avis.

7. Quel vice détestez-vous le plus ?
Réponse de Marcel Proust : L'étroitesse d'esprit.

8. Quelle est votre occupation préférée ?
Réponse de Marcel Proust : Aimer.

9. Quel délassement vous est le plus agréable ?
Réponse de Marcel Proust : Lire.

10. Quel est, selon vous, l'idéal du bonheur terrestre ?
Réponse de Marcel Proust : Je vous dirai bien mais je n'aime pas faire de phrases. J'ai horreur du sentimental, l'étant beaucoup.

Les Fauteuils rouges • Édouard Vuillard

La notoriété d’Édouard Vuillard est notamment dû à ses célèbres représentations de scènes d’intérieur. Pouvant ainsi le rapprocher du mouvement intimiste, cet intérêt pour le monde intérieur le rapproche du symbolisme dont il ne possède cependant pas la dimension fantastique.
Admirateur des classiques comme Vermeer, Watteau et Chardin, Édouard Vuillard développe un goût pour les natures mortes réalistes et aime beaucoup peindre des scènes d’intérieur de maisons bourgeoises. Son travail se caractérise alors par une recherche nuancée de gammes colorées, d’équilibres entre les clairs et les obscurs, des traits travaillés en arabesques et des motifs décoratifs inspirés des estampes japonaises.

Lettre • Marcel Proust

Transcription de la lettre :
"Mon cher petit,
Je vous écris un mot qui a l’air idiot et après lequel vous pourrez néanmoins me dire ce que vous voulez et que je ferai. Mais voici : j’ai non seulement tellement dépensé mais “fait jouer” pour moi à Cabourg, que je suis en déficit très gros au Crédit Industriel et à la Banque R. [Rothschild]. J’ai trouvé un peu d’argent pour attendre un peu, et j’espère ne pas avoir de difficultés pour mon terme. Mais ce sera tout juste. Inutile de vous dire que si vous aviez besoin d’argent, il me serait facile de vendre une valeur et de vous en envoyer le montant. Mais comme je viens précisément de me livrer à cette opération avec une Bourse déplorable, j’aimerais mieux ne recommencer que si cela était utile. Or je suppose qu’il vous est absolument indifférent que j’envoie cet argent. Je vous supplie de ne pas croire qu’il y a nonchalance de ma part et indifférence. Si vous me dites de le faire je le ferai instantanément. Et ce n’est pas parce que j’aurais distrait 500 fr. de l’équilibre instable de mes dettes (quel style !) que cela changera grand chose. Mais enfin, tâchant d’être raisonnable, peut’être serait-ce mieux pas en ce moment. Surtout ne me renvoyez pas les précédents 500. Vous me les rendrez quand vous viendrez, ou me feriez un plaisir sentimental en ne me les rendant jamais et en me donnant l’illusion d’entretenir une dame avec qui vous auriez vous les relations amoureuses. Vous ai-je jamais dit pour Lord Kitchener qu’une compétence distinguée de la côte normande m’avait dit : « je crois bien que oui ». Que pensez-vous de Me Depret ?… et de son époux ?
Tendrement à vous
Marcel
Il me semble que l’Angleterre est moins chaude pour nous. Quel ennui ce serait. Et voilà le Times qui a l’air de prendre le parti de l’Allemagne".

Pénélope sans fuseau • Antoine Bourdelle

Avec la représentation de Pénélope, épouse fidèle du roi Ulysse, Antoine Bourdelle se réapproprie un sujet de la mythologie antique tout en affirmant sa modernité. Représentée sans fuseau ni tapisserie, debout, le visage appuyé sur son poing, un bras serrant sa taille, elle semble attendre. Sculpté comme une colonne, les plis de sa robe qui épousent ses formes sont serrés comme des cannelures d’une colonne dorique, et la base géométrique renforce son côté architectural.

Portrait d’Henri Zo enfant • Achille Zo

Un garçon de huit ans, solidement campé sur ses jambes, les pouces passés dans sa ceinture : c’est ainsi que le peintre Jean Baptiste Zo, dit Achille Zo, représente son fils, Henri-Achille. Malgré son visage aux rondeurs enfantines et sa tenue vestimentaire, caractéristique de son âge, le garçon pose comme un adulte, sûr de lui. La figure de son fils est illuminée par un puissant éclairage latéral, dont il use d’ailleurs dans la plupart de ses portraits. Cette lumière chaude, conjuguée à l’ombre reportée dans l’angle inférieur droit du tableau, souligne la pose conquérante du petit homme, légèrement tourné de trois quarts, dans ce portrait en pied quasi grandeur nature.

Originaire d’un milieu modeste du Pays basque, Achille Zo décide très tôt de devenir peintre. Il résidera à Paris jusqu’en 1871 et le siège de la ville. Il décide alors de retourner dans sa région natale, où il est nommé directeur de l’Ecole de Dessin de Bayonne jusqu’en 1888 puis fonde, en 1873, le musée municipal de peinture dont il devient le conservateur. En 1889, il est nommé directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux. Tout comme Léon Bonnat, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1886. Ces deux hommes sont d’ailleurs très liés : ils formèrent toute une génération de peintres régionaux à l’Ecole de dessin de Bayonne puis à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris.

Portrait de Carle Dreyfus enfant • Léon Bonnat

Originaire de Bayonne, Léon Bonnat réalise ses études de peinture à Madrid où sa famille vie. Il se veut peintre d’histoire mais lorsqu’il expose en 1877 le Portrait d’Adolphe Thiers, le succès est tel qu’il se consacre à la peinture officielle et devient le portraitiste de la IIIe République. Personnel politique et haute société se pressent dans son atelier : de Victor Hugo à Renan et du cardinal Lavigerie à Armand Fallières. La technique habile et méticuleuse de Bonnat peut rivaliser avec le réalisme de la photographie ; il s’amuse aussi à jouer avec la lumière, créer des ombres pour créer du contraste.
C’est dans le costume traditionnel porté par les petits garçons, blanc à col marin, que Léon Bonnat a choisi de représenter le fils de son grand ami Gustave Dreyfus (1837-1914). L’enfant deviendra comme son père un grand collectionneur et exercera les fonctions de conservateur au musée du Louvre. L’artiste montre ici le bambin à l’âge de 4 ans, en buste, de face, le regard vif, les yeux cernés et légèrement bouffis, les pommettes hautes et rondes que viennent souligner des touches de peinture rose. Il saisit avec spontanéité son expression dans une œuvre rapide, à la touche esquissée. Léon Bonnat témoigne dans ce portrait de sa capacité à traduire les expressions de l’enfance.

Portrait de fillette tenant sa poupée • René GILBERT

Formé à l’École des beaux-arts dans l’atelier d’Alexandre Cabanel, René Gilbert se tourne vers le pastel après une visite au musée de Saint-Quentin, où il est subjugué par les œuvres de Maurice-Quentin de La Tour. Ses pastels, qu’il expose à partir de 1882 au Salon et de 1894 à 1912 avec la Société de pastellistes français, lui valent rapidement la reconnaissance des institutions et du public. Dès 1886, l’État lui achète Le Repriseur de tapisserie pour le musée du Luxembourg, alors antichambre du Louvre. Les amateurs lui commandent leurs effigies, notamment les Rothschild qui deviennent ses mécènes.

Ses portraits d’enfants sont tout particulièrement recherchés, si bien que « les mamans ne voient que par lui. Inutile de leur proposer un autre artiste pour le portrait de Jean, d’Etienne ou de Germaine : elles réclament toutes Gilbert »[1]. Ce pastel illustre toute la sensibilité avec laquelle René Gilbert évoque le monde de l’enfance. Daté de 1910, il pourrait s’agir du Portrait de Mlle S… exposé aux Pastellistes. Un autre portrait connu de sa fille, Marianne Segond-Weber, née en 1905, nous incite à penser que c’est elle qui est représentée ici.

[1] Yveling Rambaud, Silhouettes d'artistes avec portraits dessinés par eux-mêmes, Paris, Société française d'éditions d'art, 1899, p. 119.
Notice rédigée en collaboration avec la galerie 1900 BY SP

Portrait de Gilda Darthy • Jacques-Émile Blanche

Dans les salons artistiques et littéraires, Jacques-Émile blanche rencontre des personnages hauts en couleur qu’il dépeint dans de nombreux portraits, comme ici la comédienne Gilda Darthy (1878-1952), alors au fait de sa gloire sur la scène. L’actrice à la chevelure rousse est le sujet de nombreuses photographies. Dans ce portait, son costume noir se confond avec le fond sombre, duquel se détache les éléments : la plume blanche, le collier nacré et sa peau laiteuse.

Portrait de Mme Castex et son fils • Daniel Léon Saubès

Peintre du XIXe siècle appartenant à l’École d’art française, Léon Saubès (1855-1922) était un grand amateur du portrait, des scènes de genre et de peinture d’histoire. Élève de Léon Bonnat à Paris, il expose régulièrement dans la capitale mais aussi beaucoup en province comme à Lyon, Biarritz ou Bayonne.

Les dimensions de ce tableau et la façon dont les deux protagonistes y sont présentés, en pied et dans des costumes élégants, l’affirme comme un portrait d’apparat. Saubès bénéficia probablement pour sa réalisation d’une commande de la famille de Castex et présenta ce grand format au Salon en 1885. L’enfant porte le knickerbocker, culotte bouffante serrée à mi-mollet, qui le fait ressembler à un jeune lord britannique, rappelant l’anglomanie croissante de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie française dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le petit garçon se serre contre sa mère, qui pose la main droite sur l’épaule de son fils. Ce geste de protection dit aussi que l’enfant est l’héritier d’une famille fortunée et établie.